Faut-il craindre sa clause de non-concurrence ?
Dans quels cas un cabinet de conseil en stratégie choisit-il de faire fonctionner la clause de non-concurrence d’un consultant qui souhaite rejoindre un autre cabinet ? La décision relève à la fois d’un arbitrage entre risques et coût, ainsi que du cadre, amiable ou conflictuel, dans lequel s’opère la séparation.
- Enquête – Diamant : la blockchain de De Beers menacée par le BCG
- Le moins possible de télétravail, même en temps de grève !
- Exclusif — Le recours collectif d’un ex-manager de McKinsey contre la gestion des fonds de pension de la firme
- Horaires de chien dans le conseil : mythe ou réalité ?
- Exclusif : pourquoi AlixPartners a dépêché un huissier au BCG
- Le staffing, ou l’art consommé d’essayer de satisfaire tout le monde
- Forfait jours : les cabinets de conseil jouent avec le feu
- Faut-il craindre l’uberisation du conseil ?
La question se pose à chaque fois qu’un consultant envisage de rejoindre un cabinet concurrent : quid de la clause de non-concurrence ? L’insertion d’une telle clause dans les contrats des consultants est quasi systématique, car elle n’engage en rien l’employeur, qui a tout loisir de s’en délier ou pas lors de la rupture du contrat.
Ainsi, elle n’est pas activée lorsqu’un jeune consultant décide de quitter le cabinet « parce qu’il n’y a pas de risque commercial à proprement parler », relève Raphaël Butruille, directeur chez Vertone. « D’autant plus que ceux qui nous quittent le font pour vivre une aventure personnelle, notamment pour suivre leur conjoint à l’étranger ou lancer un projet de start-up », poursuit-il.
« Nous n’avons jamais activé une clause de non-concurrence lors du départ d’un consultant junior, manager ou senior manager, témoigne Bertrand Semaille, CEO d’Eleven. Cela tient au fait que les jeunes consultants qui quittent le cabinet le font pour vivre une expérience à l’international ou un projet de création d’entreprise. Même s’ils souhaitaient rejoindre un concurrent, il n’y a pas de risque que cela porte préjudice au cabinet. Il n’y a que pour les managers qui font du conseil en management que le risque est, à mon avis, plus important. »
Une décision au cas par cas
La situation est différente dès lors qu’il s’agit du départ d’un consultant confirmé. La décision se prend alors au cas par cas. « La clause de non-concurrence peut être activée en fonction du risque que le consultant emmène ou non des clients, poursuit Bertrand Semaille. Quand il s’agit d’un associé, le risque est réel en raison des relations intuitu personae qu’il entretient avec les prescripteurs au niveau de la direction générale, et ce, même pour les dossiers qui font l’objet d’un appel d’offres parce que la décision finale relèvera du grand patron. »
Mais le choix ne relève pas uniquement de considérations économiques : une séparation comporte également une dimension « émotionnelle » pour les associés, déçus, voire « trahis », par ce départ. « Tout dépend des raisons qui motivent le départ, reprend-il. Si la séparation s’opère à l’amiable, le cabinet ne va pas activer la clause de non-concurrence. En revanche, il le fera probablement si la situation est très conflictuelle. »
Un arbitrage entre risque et coût
Si la clause de non-concurrence est prévue dans le contrat de travail, le cabinet doit alors faire un arbitrage entre risques et coût, car, pour être valable, celle-ci doit donner lieu à une contrepartie financière pendant une durée qui s’échelonne en général entre un et deux ans (lire l’encadré ci-après). L’activation de la clause induit donc un coût qu’il convient de mesurer à l’aune des risques potentiels.
Si le consultant détient des parts du cabinet, la clause de non-concurrence peut être prévue dans le pack d’associés ou négociée dans le protocole de sortie. Que prévoient donc ces clauses qui échappent à l’encadrement au droit du travail ? « Tout est envisageable puisque l’on est dans le domaine du contractuel et de la négociation, relève Stéphane Albernhe, ancien directeur général France de Roland Berger et associé cofondateur d’Archery Strategy Consulting en 2013. Mais vous n’obtiendrez pas de témoignages d’associés sur le sujet, car les protocoles de sortie sont confidentiels. »
De gré à gré et en toute confidentialité
Difficile aussi d’avoir une vision globale de la pratique du marché et de savoir si certains cabinets ont une politique plus ou moins « dure » avec leurs consultants en partance. « À ma connaissance, aucun cabinet n’a de réputation particulière en la matière, répond Raphaël Butruille. Mais c’est un sujet dont on ne parle pas trop. » Un sujet confidentiel et qui se règle « entre soi ». « En général, on finit toujours par trouver un accord, éventuellement par lettres d’avocat interposées si la situation est conflictuelle, mais il est très rare qu’un litige lié au départ d’un consultant arrive jusqu’au tribunal », pointe Bertrand Semaille.
Miren Lartigue pour Consultor.fr
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
Manuel de survie
- 28/10/24
La crise sanitaire l’a montré : c’est possible. Mais est-ce souhaitable ? Dans le conseil en stratégie, le télétravail suscite depuis 4 ans des annonces régulières d’un « retour au bureau », comme dans beaucoup de professions intellectuelles supérieures. La réalité est plus nuancée.
- 02/09/24
Première femme indienne à avoir été élue partner chez McKinsey en 1985, Chandrika Tandon fait résonner sa voix dans de multiples domaines.
- 29/08/24
A 37 ans, Paul Ricard, partner d’Oliver Wyman aux US, vient de se voir confier un challenge d’envergure : prendre la tête de la practice assurance et gestion d'actifs pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique à Singapour. Particularité de ce Français né dans l’Aveyron, consultant de la firme depuis 2011 : il a, durant ces 14 années, évolué uniquement hors de France : aux US, dans les bureaux de New-York puis de San Francisco.
- 19/07/24
Plusieurs cabinets de conseil en stratégie accompagnent leurs consultants désireux de suivre des formations certifiantes. Dans quel contexte, et pour quels bénéfices ?
- 16/07/24
Selon les senior partners de Kéa, Arnaud Gangloff et Angelos Souriadakis, le métier de consultant en stratégie a profondément muté ces dernières années.
- 16/02/24
Les coûts et les gains de productivité induits par l’intelligence artificielle vont-ils conduire à une refonte des modèles de tarification des missions de conseil en stratégie et une évolution de la relation aux acheteurs ? Pour certains, que nenni. Pour d’autres, évidemment. Entre deux, plusieurs cabinets s’interrogent.
- 26/01/24
Chacun sa route, chacun son chemin, chacun la mission de conseil qui lui convient ? Si cette envie de satisfaire les consultants dans les attributions de clients et de sujets entre les consultants des cabinets de conseil en stratégie peut paraître tentante, sa mise en œuvre est beaucoup plus nuancée.
- 11/01/24
Pas un jour ne passe sans qu’un nouvel usage, un nouveau partenariat ou une nouvelle promesse n’émerge en ce qui concerne l’intelligence artificielle dans le conseil en stratégie. Comment prévenir les erreurs, garantir la confidentialité des données clients et former adéquatement sans mettre en péril les modèles des cabinets ? Consultor a interrogé différents consultants de la place à ce sujet.
- 08/01/24
La politique Diversité, Équité, Inclusion est devenue l’un des arguments clefs de la marque employeur dans les cabinets de conseil en stratégie. Depuis 4 ans, Bain a accéléré cette politique sur tous les fronts (LGBTQIA+, femmes, personnes handicapées, origines culturelles et sociales…). Comme chef d’orchestre, le partner Manel Oliva-Trastoy, personnellement et professionnellement très engagé.