IA, recrutements, 10 ans après Booz & Co… : interview du patron de Strategy&
Alors que Strategy&, formée après le rachat de Booz & Co par PwC, fêtera ses 10 ans au printemps, le patron des activités de conseil en stratégie de PwC en France, Strategy&, répond aux questions de Consultor. Hybridation des compétences dans un groupe de conseil de la taille de PwC, atonie du marché de conseil, intelligence artificielle… interview d’Edouard Bitton à lire.
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On fêtera les 10 ans de l’acquisition de Booz & Co par PwC au printemps prochain : une décennie après l’intégration d’une marque de conseil en stratégie dans un big four, quel bilan ?
Nous préparons cet anniversaire et l’événement sera de taille, c’est en effet un sacré jalon. Le bilan est très positif. Strategy& est en croissance ininterrompue et a encore accéléré ces 3 ou 4 dernières années. L’acquisition de Booz, qui était alors une première par sa taille dans le conseil en stratégie pour un Big Four, s’est avérée totalement synergétique. Depuis lors, le conseil en stratégie a doublé tous les 5 ans et a encore bondi de plus de 15 % sur le dernier exercice.
Résultat des courses, à date, quelles sont les forces vives chez Strategy& ?
En France, Strategy& représente environ 10 % des 2 000 personnes qui composent l’effectif de consulting de PwC. En incluant nos effectifs au Maghreb, nous sommes 220 consultants, 25 associés, pour un total de 4 000 consultants et 400 partners dans le monde. Des bureaux sont régulièrement ouverts, encore dernièrement en Pologne, au Niger, en Irlande, en Norvège et en Eurasie… Sur un réseau total de PwC qui compte 350 000 personnes dans le monde, nous restons une activité petite par la taille, mais avec sa marque distincte.
Comment Strategy& est intégrée au réseau PwC ?
L’intégration de Strategy& au réseau PwC est double : d’une part, nous sommes pleinement intégrés dans les activités de conseil de chaque territoire, et d’autre part, nous travaillons quotidiennement avec le réseau international pour servir nos grands clients. Depuis la naissance de Strategy& en 2014, nous portons haut et fort notre proposition de valeur « from Strategy to Exécution », qui s’exprime par la réalisation de grands projets de transformation d’entreprise ; notre force, c’est justement de pouvoir traiter des problématiques complexes en agrégeant rapidement les bonnes compétences de PwC, que cela soit en France ou à l’étranger. Nous avons par exemple mené récemment un projet de scission qui a mobilisé plusieurs centaines de collaborateurs de Strategy& et PwC dans 8 pays, en mobilisant très rapidement le réseau pour aligner la bonne équipe et rassembler les compétences idoines.
Cette intégration se traduit également dans nos processus internes, tels que la formation ou la mobilité, qui permet aux consultants de Strategy& Paris de partir en détachement à l’international.
Le nom de la marque, « StratAnd », n’est pas évident à prononcer. Est-ce une difficulté sur le marché français ?
Dans les objectifs que je me suis fixés, il y a la pédagogie auprès des clients sur notre identité et notre marque. Il est vrai que parfois on nous demande comment on doit nous appeler, « StratégieET », ou « Strategies AND ». On en rit plus qu’autre chose et cela peut servir de bon ice breaker en réunion. Au-delà, ce que je constate est une forme de réengagement de nos clients à notre faveur, et des décideurs qui disent, avec le bon nom, qu’ils veulent Strategy& pour tel sujet, Strategy& pour tel projet. La global leadership team a réaffirmé l’importance de Strategy& en tant que catalyseur de leadership à haut niveau. C’est une marque de confiance renouvelée et j’espère qu’elle durera le plus longtemps possible.
Et vous, personnellement, comment en êtes-vous venu aux manettes de Strategy& en France ?
J’ai un parcours relativement atypique. J’ai commencé ma carrière dans l’industrie chez Essilor, à la direction des systèmes d’information. Puis, j’ai acquis la rigueur chez Arthur Andersen jusqu’au crash Enron. J’ai ensuite rejoint EY, puis rapidement PwC où j’ai grandi en faisant mes classes dans le conseil en deal et en stratégie. Voilà un an, j’ai exprimé le souhait de prendre un rôle d’animation du collectif d’associés avec un mandat clair : accélérer le développement du conseil en stratégie, favoriser les adhérences avec les autres activités et foisonner chez nos grands clients.
Les adhérences sont justement une des particularités du conseil tel qu’il est pratiqué dans les Big Four où les différentes lignes de conseil travaillent souvent les unes avec les autres. En ce sens, EY ou encore KPMG ont dernièrement rapproché leurs activités de conseil en stratégie et en transaction. Qu’en est-il pour PwC ?
Deal et stratégie sont regroupés chez PwC depuis 2011, j’en viens ! Et nous avons été les premiers à le faire. Ce rapprochement est pétri de bon sens. Avec l’acquisition de Booz, cette logique de couverture d’une chaîne de valeur large qui va de la stratégie à l’exécution a encore été renforcée, et les interfaçages avec les différentes lignes de services de PwC Consulting sont quotidiens. C’est une force terrible pour nous que d’avoir à nos côtés des avocats, des gens de la tech, de la finance, des RH, que ce soit sur des sujets de deal ou de non deal, que ce soit pour des projets incluant 10 ou 100 consultants. Nous avons significativement augmenté la récurrence de ces hybridations. C’est même une priorité mondiale dans la fourniture de prestations de conseil : savoir d’entrée rassurer nos clients sur notre capacité à suivre nos préconisations jusqu’à leur mise en œuvre.
Cela veut-il dire que les missions 100 % Strategy& n’ont plus lieu d’être ?
Non, bien sûr ! On ne tire pas toujours la pelote, et nous sommes satisfaits de l’équilibre qui s’installe entre les prestations de conseil en stratégie exclusives et les prestations hybrides.
Nous sommes dans un marché de conseil marqué par moins d’opérations d’acquisitions et davantage de restructurations, faites-vous le même constat ? En quoi cela impacte-t-il votre activité ?
C’est juste. Les transactions ont diminué sans conteste, il suffit de regarder les chiffres. Mais ces derniers mois ont aussi été marqués par des rapprochements, des scissions, des acquisitions transformantes… Toutes ces opérations ont porté notre croissance. De plus, en 2023, nous n’aurons jamais eu autant de projets complexes, des gros objets comme nous les appelons, des clients qui se posent la question de comment ils doivent évoluer dans le futur. Enfin, bien sûr, nous notons une montée des enjeux de réduction des coûts dans les préoccupations de nos clients, ou du retournement d’activités en difficulté.
Dans ce contexte, nombre de cabinets ont freiné ou gelé leurs recrutements. Et vous ?
Sur les recrutements, nous restons volontaires. Nous avons un plan de développement auquel nous restons fidèles. Il n’y a ni gel chez Strategy& ni chez PwC. 20 personnes juniors nous ont rejoints chez Strategy& en septembre, et nous mettons à présent l’accent sur les profils expérimentés, notamment dans le secteur financier.
Au Royaume-Uni, un plan de départ de 500 à 600 personnes à la retraite a été annoncé chez PwC : aura-t-il des répercussions en France ? Pourrait-il être imité en France ?
Ce qui est décidé par PwC en Angleterre ne pèse pas sur nos activités en France. Il faut ensuite relativiser un plan qui ne concerne au maximum que 2 % des effectifs britanniques.
Au Royaume-Uni encore, PwC a fait récemment état d’un partenariat avec OpenAI dans le développement d’outils d’intelligence qui ont vocation à être généralisés : comment utilisez-vous à date l’IA dans vos missions de conseil ?
Il faut avoir en tête que les investissements réalisés sur les sujets de Generative IA par PwC en Europe continentale sont déjà de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce sont des outils qui sont déjà mis à la disposition de nos collaborateurs, que nous voulons les plus propriétaires possibles ou dans le cadre de partenariats, tels que celui que nous avons avec Microsoft, et sur lesquels nous les formons. Le mot d’ordre à ce sujet est au pragmatisme le plus total : l’objectif est d’être rapidement plus efficaces au quotidien, afin d’apporter plus de valeur à nos clients.
Avec les limites mises en avant par une étude du BCG avec des professeurs universitaires qui montrent qu’il faut savoir utiliser ces outils, au risque sinon qu’ils soient totalement contre-productifs. Comment vous situez-vous par rapport à ça ?
Comme tous les cabinets, nous sommes convaincus que l’IA va modifier en profondeur notre métier, tant sur la manière de faire que sur la manière de délivrer. En ce sens, nous avons mandaté un partner dédié à ce sujet, Pierre Bosquet, qui conduit une étude interne visant à identifier tous les sujets potentiels sur lesquels notre métier va bouger avec l’essor de l’IA. Nous sommes très attentifs à une utilisation responsable de l’IA générative. Très rapidement, nous avons souhaité encadrer l’utilisation de ces outils en établissant des règles précises d’utilisation pour l’ensemble des collaborateurs, afin de respecter nos engagements en termes de confidentialité et de conformité.
L’échec de la scission des activités d’audit et de conseil d’EY entérine-t-il pour de bon le modèle intégré multi-services des Big Four ?
De notre côté, nous sommes fermement convaincus de la pertinence de notre modèle pluridisciplinaire. Nous n’avons pas la volonté de la remettre en cause. Quant à savoir si ce dossier est refermé pour de bon partout, je ne peux pas l’affirmer pour nos concurrents.
PwC a été retenu comme principal détenteur du marché de conseil en stratégie de l’État sur la période 2023-2027 et comptait 48 commandes en 5 mois. Cela a-t-il fait mécaniquement monter vos missions dans le secteur public ? Strategy& y participe-t-il également ?
Ce marché marque une croissance significative des activités de conseil dans le secteur public de PwC. Strategy& contribue à certains projets, même si le secteur public n’est pas une priorité pour nous et ne constitue pas une part significative de notre activité.
En France, c’est la stratégie Co Créer qui est à l’œuvre actuellement chez PwC. Pour Strategy&, elle vise à ce que vous atteigniez 250 consultants et 30 partners en 2025. Serez-vous à l’heure à ce rendez-vous ?
Avec 220 consultants et 25 partners à date, pour l’instant, nous ne sommes pas en retard !
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaires (2)
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France
- 18/11/24
L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.
- 15/11/24
Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.
- 15/11/24
Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.
- 13/11/24
À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.