Info Consultor – Mutuelle des agents publics : le holà de l'audit interne aux missions de McKinsey
Absence de mise en concurrence, absence de négociation tarifaire, absence de contrats signés… Les conditions des onze missions menées par McKinsey entre 2016 et 2018 pour le compte de la mutuelle des agents publics, Intériale, sont vivement critiquées par son audit interne.
- La Caisse des Dépôts lance deux marchés de conseil pour un total de 21 M€
- Boom du conseil interne : + 48 % d’adhérents en 3 ans pour l’association dédiée
- Sous pression du gendarme de la finance, Allianz s’en remet à McKinsey
- Le CHU de Marseille s'offre McKinsey
- Les prestations de conseil en milieu hospitalier : le monde de "fous" dénoncé par Le Canard enchaîné
Nous sommes fin 2015. Intériale, aujourd’hui 20e mutuelle française, qui couvrait alors 200 000 agents, est en quête d’un partenariat depuis plusieurs années pour développer son activité – 275 millions d’euros de cotisations encaissées cette année-là et un million d’euros de résultats. En décembre de la même année, la mutuelle de la police, des préfectures et des agents territoriaux choisit Axa.
L’assurance française doit aider la mutuelle, née en 2008 de la fusion de trois mutuelles de la fonction publique, à élargir son offre – limitée à la santé et à la prévoyance – à des polices d’assurance de biens et de personnes et des produits d’épargne.
Pour structurer ce partenariat, son président, Pascal Beaubat – qui a quitté ses fonctions en octobre 2018 –, décide de faire accompagner la mutuelle par des cabinets de conseil externe. Quatre cabinets sont sollicités : PwC, McKinsey, Roland Berger et Advancy – ce dernier s’est finalement désisté.
Quatre cabinets initialement sollicités
Les propositions d’accompagnement de ces cabinets varient entre 150 000 euros de la part de PwC (80 jours/homme) et 250 000 euros de la part de Roland Berger, qui propose de mettre davantage de consultants seniors à la disposition d’Intériale. De son côté, McKinsey – qui n’a souhaité faire aucun commentaire – adresse plusieurs propositions à Intériale pour une mission de douze semaines allant de 409 900 euros (un consultant temps plein et deux seniors à 50 %) à 479 700 euros (deux consultants à temps plein et la supervision de deux seniors à 30 %).
Seuls Roland Berger et McKinsey sont retenus pour des oraux. McKinsey est finalement sélectionné. C’est le début d’une longue collaboration entre la mutuelle et le cabinet de conseil. Côté Intériale, sont décisionnaires Pascal Beaubat, Nicolas Sarkadi, le directeur général qui, lui aussi, en mars 2019, a quitté ses fonctions, et Julien Dolard, directeur de cabinet à la présidence d’Intériale, passé par Mckinsey entre 2005 et 2007 en tant que consultant. Côté McKinsey, Sébastien Lacroix, directeur associé senior à Paris, fut le chef d’orchestre de ces missions pour le cabinet de conseil.
L'audit interne tique
Au total, McKinsey réalisera onze missions entre 2016 et 2018 pour le compte d’Intériale, pour un montant total réglé de 4,983 millions d’euros. C'est un montant important mais pas totalement surprenant. D’autant moins que les banques et les assurances, secteurs hyper régulés et demandeurs en conseils en tout genre, sont parmi les premiers acheteurs de missions de stratégie.
Sauf que l’audit interne d’Intériale se saisit a posteriori de la série de missions confiées à McKinsey. Un rapport interne final de février 2019, dont Consultor a eu copie, juge que les achats de missions McKinsey par Intériale ont dysfonctionné et « traduisent un non-respect du principe de gestion saine et prudente de la Mutuelle » et « une non-maîtrise de la relation d’affaires avec la prestataire et un défaut de contrôle ».
Sont notamment reprochés les manques de mises en concurrence et de négociation tarifaire de la direction d’Intériale vis-à-vis de McKinsey, la conduite de missions sans contrats signés par les deux parties et le changement important de la part variable de rémunération d’une des onze missions en question.
Par exemple, seule une autre de ces missions fera l’objet d’une mise en concurrence entre McKinsey et un de ses concurrents – One Man Support cette fois-ci. La plateforme de mise en relation avec des consultants en stratégie indépendants se proposait de conduire le « chantier de transformation digitale » d’Intériale pour 192 000 euros sur huit semaines entre avril et juin 2018.
Quand McKinsey proposait une équipe sur douze semaines au tarif de 792 000 euros. McKinsey est retenu dans un souci de continuité.
Un rapport publié dans un contexte interne chahuté
Pas de mise en concurrence pour les autres missions, regrette l’audit interne. « Le président (d’Intériale, NDLR) a ainsi engagé la Mutuelle sans procéder à des consultations pour un coût total (facturé, NDLR) de 5,625 millions d’euros. […]. Cette non-mise en concurrence réduit la capacité de la Mutuelle à évaluer le juste prix à payer et limite sa marge de négociation », écrivent les auditeurs internes, qui estiment également que les règlements de 3,7 millions d’honoraires à McKinsey en 2018 « ont contribué à la dégradation du résultat d’exploitation ».
Interrogée par Consultor, la direction d’Intériale estime que ce document a été établi à des fins internes uniquement, et indique que le recours aux cabinets de conseil en stratégie est récurrent pour la mutuelle sur des thèmes très divers et renvoie, au sujet de ce rapport, à neuf derniers mois très mouvementés en interne.
Absence de mise en concurrence : un secret de polichinelle ?
Que dire de plus ? Les règles de mise en concurrence dans le secteur privé et le secteur public ne sont jamais respectées telles que la théorie pure et parfaite le prévoit : la règle, dont le cas Intériale-McKinsey est la énième démonstration, n'est pas nouvelle, ainsi que Consultor l’a déjà raconté dans ses colonnes.
En attendant, l’objectif d’accroissement de l’activité d’Intériale est, lui, atteint : l’encaissement de cotisations de la mutuelle était de 326 millions d’euros en 2017. Un point qui n’aura sans doute pas échappé à McKinsey.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
Crédit photo : Photo par Arjan Eising Prise le 25 juillet 2010 CC BY-NC 2.0
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
services financiers
- 13/11/24
C’est un ancien consultant d’Advention, Thibaut Aboulker, 49 ans, depuis plus de 18 ans au sein de Groupama, qui a été nommé DG de Mutuaide (en fonction à compter du 1er décembre). Une filiale à 100 % depuis 1990 de la société d’assurance mutuelle française de quelque 800 collaborateurs spécialisée dans l’assistance et l’assurance affinitaire.
- 04/11/24
L’Australian and New Zealand Banking Group a annoncé à la mi-octobre faire appel à Oliver Wyman pour « examiner sa culture d’entreprise ». Le groupe bancaire est visé par une enquête pour manipulation du marché.
- 21/10/24
Axel Demazy, plus de 8 ans au Boston Consulting Group, est nommé DG de Spendesk, spécialisée dans la gestion des dépenses pour les PME et ETI. Il remplace depuis quelques jours Rodolphe Ardant, passé chez OC&C en début de carrière, fondateur-CEO en 2016 de la plateforme devenue la 26e licorne française en 2022, qui reste dans la gouvernance de Spendesk en tant que conseiller stratégique, en binôme avec le nouveau CEO.
- 17/10/24
Depuis octobre 2023, Marième Rocchi a retrouvé l’entité de conseil interne de BNP Paribas CIB dont elle avait fait partie de 2013 à 2019. Consultor l’a rencontrée, un an après qu’elle a pris la tête du cabinet.
- 04/10/24
Jusqu’ici directrice financière du deuxième groupe bancaire allemand, Bettina Orlopp devient DG avec comme objectif de repousser l’offensive de la banque italienne UniCredit. Elle fut partner de McKinsey durant 12 ans.
- 18/09/24
C’est un ancien engagement manager de McKinsey, Thomas Vandeville, qui prend la direction du groupe Meilleurtaux, société de courtage historiquement spécialisée sur l’immobilier, active en France, en Belgique et au Luxembourg.
- 22/07/24
L’ancien engagement manager de McKinsey, Hadrien Lefebvre, 34 ans, est arrivé chez AXA France en qualité de directeur de la stratégie pour « piloter pour la France le plan stratégique Unlock the Future, présenté par le groupe début 2024 ».
- 15/07/24
Laurent Mariani, chez Bain depuis 2009, vient d’être élu associé au sein de la practice Services financiers du cabinet à Paris.
- 09/07/24
L’ancien consultant de Bain (durant 7 ans), Arthur Martiano, jusqu’alors directeur marketing et go-to-market de Doctolib, est nommé à 37 ans DG de la plateforme de comparateur en ligne d’assurance, LeLynx.fr.