« Ouvrir notre partnership pour lui assurer un avenir » (Benoît Tesson, directeur général de Vertone)
À la veille de ses 20 ans, le cabinet de conseil spécialiste de du marketing, de la relation client et du développement commercial vient de procéder à une réorganisation juridique pour faire davantage de place aux partners et seniors managers également actionnaires aux côtés des deux fondateurs, Pascal Boulnois et Benoît Tesson.
Une manière d’assurer l’avenir et de garantir l’indépendance, explique Benoît Tesson dans une interview. Ouverture à Lille, digital, international, missions prédominantes… le directeur général et co-fondateur de Vertone répond aux questions de Consultor.
Vertone s’est doté d’un bureau lillois, ouvert officiellement le 2 octobre 2017. Comment se développe-t-il ?
Le nouveau bureau lillois grandit. Claire Emblanc (36 ans, ESSCA) a été rejointe par un ancien cadre très expérimenté dans le domaine du marketing. Tous deux sont staffés à 100 % et épaulés par les partners et les équipes à Paris. Je suis moi-même pendant trois mois à mi-temps à Lille pour répondre à deux missions. Le bureau représente pour l’instant 5 % de notre activité.
D’où vient ce tropisme nordique ?
De mes études peut-être (Benoît Tesson est diplômé de l’Isen à Lille, NDLR) ! Plus sérieusement, nous avons un attachement au tissu économique nordique. Il s’agit, souvent des sociétés familiales pour lesquelles les services de Vertone dans le développement de la top line sont pertinents.
D’autres ouvertures pourraient-elles intervenir ailleurs en France ?
Là où une économie de services se déploie, pourquoi pas. Lyon, par exemple, nous semble encore trop industrielle, mais cela changera peut-être à l’avenir.
Et à l’international ?
En 2009, nous avions ouvert un bureau à Beyrouth. La région – Syrie, Égypte, Arabie Saoudite – du fait d’un niveau avancé d’infrastructures et d’une classe moyenne en développement nous apparaissait à propos. Raphaël Butruille (partner, ndlr) en avait pris la direction et plusieurs contrats avaient été passées avec des groupes locaux. Il a été fermé en 2012 dans le contexte d’instabilité que l’on sait. Ce qui ne nous empêche pas de répondre aux demandes à l’international, au Maghreb, en Afrique de l’Ouest ou au Proche Orient, et de nous déplacer autant que nécessaire. Le Maroc, qui concentre beaucoup de missions, pourrait être un point de chute intéressant, mais rien n’est encore décidé.
Les récents appels d’offres de l’État ont mobilisé nombre de vos confrères qui espèrent participer à la modernisation entreprise par le gouvernement d’Édouard Philippe. Vous en êtes ?
Nous avons répondu à certains appels d’offres en trinôme avec A.T. Kearney et KPMG, sans que les réponses à ces appels d’offres nous aient été communiquées à ce jour. Nous avons été très volontaires dans le service public dans le passé, c’est nettement moins le cas aujourd’hui. Nous ne proposons nos services que si quelqu’un vient nous chercher. Sinon, c’est trop chronophage et aléatoire. A fortiori, nous avons amplement de quoi faire dans le secteur privé.
D’autres sujets sur lesquels vous êtes régulièrement sollicités ?
Un est évident : la smart city qui implique des secteurs d’activité que nous connaissons bien et qui mobilisent collectivement de l’ordre de 25 % de nos équipes. Je m’explique. L’étiquette « villes intelligentes » regroupe des sujets apparemment lointains, tels que ceux de l’énergie, des transports, de l’immobilier, du service public, des télécoms… Ils se rejoignent sur ce thème. Ce qui invite nos clients à travailler sur des partenariats nouveaux, dans des écosystèmes qu’ils n’auraient sans doute jamais songé à approcher. Lorsqu’une billetterie de théâtre ou de concert veut intégrer à ses ventes un service de transport, c’est autant la smart city que le développement des gares multimodales. Cette transversalité est favorable au positionnement d’un cabinet tel que Vertone. Parce que nous sommes polyvalents et plurisectoriels.
Une mission de Vertone sur les smart cities, cela donne quoi ?
Cela donne par exemple des applications très populaires du type de City Mapper, puisque nous avons il y a déjà des années posé les bases de la politique d’ouverture des données de l’acteur majeur des transports parisiens.
Quelle image voulez-vous donner de Vertone en insistant sur ce point ?
La ville de demain ne date pas d’hier et pourtant vous verrez qu’elle prendra une importance exponentielle dans les années à venir. Les couvertures de pays entiers en 5G d’ici plusieurs années vont mettre sens dessus dessous la mobilité en tant que services, les possibilités de travail à distance, la santé. Rendons-nous compte déjà de l’enchaînement historique d’infrastructures qui ont été nécessaires à l’avènement de l’éclairage public, des réseaux d’assainissement, du gaz à tous les étages, de l’électricité, des métros, des trottoirs ! Le sujet est le même aujourd’hui sauf qu’il est augmenté d’un volet digital et data en accélération phénoménale. Chaque acteur de l’économie ne peut plus être en vase clos. Vertone doit être un rouage de ces croisements futurs que la nouvelle économie impose.
Au point de revoir de fond en combles l’identité et le modèle économique du cabinet ?
Quand Vertone a été créée en 1999, la société faisait 80 % de son chiffre d’affaires dans les télécoms. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à moins de 10 %. On est passé des télécoms, aux télécoms en lien avec les services financiers, aux télécoms en lien avec les médias, aux télécoms en lien avec les jeux de hasard, sans jamais être exclusifs sur les télécoms comme pouvait l’être un Greenwich Consulting. Nous avons toujours considéré les télécoms comme l’animateur de changements structurels dans le reste de l’économie et c’est ce que nous continuons à faire sans changer notre fusil d’épaule tous les deux ou trois ans. Au-delà de l’intelligence artificielle (IA), dont on s’inquiète au même titre qu’on s’émouvait de la montée des systèmes d’information dans les années quatre-vingt-dix, le besoin d’accompagnement et de pérennisation des modèles économiques perdurera.
Et pourtant plusieurs plateformes se proposent de supprimer les intermédiaires au même titre que tous les autres secteurs. Cela ne vous oblige-t-il pas à vous renouveler, à revoir vos recrutements ?
Je ne suis pas inquiet. Bien sûr, nous observons la création de ces plateformes. Mais Vertone du fait de sa taille peut s’adapter beaucoup plus facilement que ses concurrents. Nous avons mis sur pied une cellule data qui compte pour l’heure trois data scientists.
C’est peu, non, comparé à la débauche de moyens que déploient certains de vos concurrents ?
Nous allons l’étoffer aussi rapidement que l’ensemble de nos équipes de consultants prendront en main des outils de traitement de larges séries de données. Nous ne voulons pas créer de décalage entre un pôle de data scientists très en avance sur ces sujets et des consultants hermétiques. La montée en gamme doit être collective. Nos missions resteront orientées sur des problématiques stratégiques et métiers, même si elles sont enrichies par nos capacités à analyser et traiter des données de manière beaucoup plus massive qu’autrefois.
Vous siégez aux conseils d’administration de plusieurs sociétés, Dartess dans la logistique vinicole, Zegive dans le financement participatif… Quel est l’intérêt ?
Je siège dans différents conseils d’administration depuis quinze ans, des ETI, des PME et des start-up. Le conseil d’administration est censément le lieu de toutes les décisions de poids dans une entreprise. Pour un consultant en stratégie, s’y faire une place n’est pas une aberration. Parce que nous pouvons y amener des vues intéressantes, parce que c’est favorable à la marque du cabinet.
Et à son développement commercial ?
Pas directement dans les entreprises où nous siégeons. Je n’ai cumulé qu’une seule fois un siège d’administrateur et un contrat pour Vertone dans la même organisation, non sans une certaine gêne, même si cela était transparent.
Vertone fêtera ses 20 ans en 2019. L’âge de raison ?
L’âge auquel on songe à l’avenir. Nous avons entrepris de renforcer notre partnership l’an dernier en créant une holding, Vertone Partners, qui est propriétaire à 85 % de Vertone. Seule différence, la part du capital de cette holding qui est dévolue aux partners non fondateurs est beaucoup plus importante. Concrètement, 50 % de la holding reviennent à Pascal Boulnois et moi-même (les deux fondateurs de Vertone, NDLR) et l’autre moitié va aux partners. Et l’entrée de nouveaux actionnaires dans cette holding diluera la part des fondateurs. C’est pour nous une manière de renforcer notre partnership, de garantir l’indépendance et la transmission de Vertone. À l’instar de Fabienne Goarzin (une des associées du cabinet, NDLR) : elle était la première salariée de Vertone. Elle est encore là vingt ans après.
Propos recueillis par Benjamin Polle pour Consultor.fr
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