Psy à la cinquantaine : la folle reconversion d’un ex-partner
On peut dire que le nouveau choix de vie professionnelle d’Olivier Favre n’est pas des plus banals.
À la surprise générale, le vice-président de Mars & Co s’est installé comme psychothérapeute, hypnothérapeute cette année.
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C’est une décision qui a dû faire sensation au sein du cabinet de conseil de l’emblématique Dominique Mars. Olivier Favre, qui a passé sa carrière de consultant chez Mars & Co durant près de vingt-cinq ans, démissionne en 2018 pour ouvrir un autre type de cabinet, aux antipodes du conseil : un cabinet de psychothérapie, d’hypnothérapie et de respiration holotropique (Ofavretherapie.com). C’est un double changement de vie, tant professionnelle que personnelle, puisque Olivier Favre a en même temps quitté Paris pour la Savoie, et Aix-les-Bains, son berceau familial.
Un projet tenu secret
Cette décision a été longuement mûrie et préparée par l’intéressé – il s’est formé durant plusieurs années à différentes pratiques pendant ses congés, week-ends ou soirées –, mais sans en faire état jusqu’au moment clé. Personne ou presque personne (cf. encadré) n’était, en effet, dans le secret, y compris le « big boss », Dominique Mars.
« Je ne souhaitais pas donner le sentiment que j’allais quitter le cabinet. Et je voulais également m’assurer que je faisais le bon choix. » Alors l’annonce a été officiellement faite seulement à l’occasion de sa démission.
Premier prévenu bien sûr, Dominique Mars, qui, passé l’effet de surprise, s’est révélé plus que compréhensif. « Dominique s’est montré ouvert et extrêmement souteneur. Il n’était pas heureux que je m’en aille, mais il m’a dit que je faisais un choix courageux. »
Vraisemblablement aussi, le boss préférait-il ce départ plutôt que de le voir partir chez la concurrence ! Et du côté des clients, même son de cloche. Surprise et bienveillance de la part des PDG et DG à qui Olivier Favre a annoncé sa nouvelle vocation.
Après une carrière de stratège, l’usure du rythme et du stress
Et pourtant, ce consultant a eu un remarquable parcours professionnel, et déjà plusieurs vies. Celui qui se rêvait jeune musicien ou garde forestier n’avait pas le conseil « dans la peau ».
Première bifurcation, en 1992, il sort diplômé de Centrale Paris comme ingénieur économiste. Il fonde avec un camarade de promo dès 1991 une start-up, AS/Tech, une SSII, l’une des toutes premières sociétés de services informatiques à s’intéresser à l’internet, en développant entre autres, la messagerie, CaraMail.
« Au bout de quatre ans, j’en avais fait le tour et j’avais envie d'un horizon plus vaste. J’ai alors repensé à mes cours de stratégie d’entreprise à Centrale qui m’avaient séduit. Avec ma formation d’ingénieur qui intéresse de nombreux cabinets, j’ai donc postulé directement auprès de plusieurs d’entre eux, qui, pour la plupart, m’ont reçu. Mon choix pour Mars s’est fait au feeling. J’ai aimé les personnes que j’avais alors rencontrées, dont Dominique Mars bien sûr, personnage charismatique. Je trouvais également intéressant leur modèle spécifique, basé sur l’exclusivité et le conseil analytique, bien adapté à mon profil. »
Entré comme junior chez Mars & Co en 1996, Olivier Favre est nommé project manager en moins de quatre ans, puis vice-président dès 2006. « C’est un cabinet de taille moyenne, les principes de promotion y sont plus flexibles. La formation est totalement “maison’’, on grandit avec sa culture, ses outils. Quand on fonctionne bien, tout peut aller très vite. »
Des années passionnantes, où il dit avoir eu la chance d’aborder de nombreux grands clients dans des secteurs diversifiés, en France comme à l’international.
« Cette maison reste familiale avec un très haut niveau de conseil et une base de clientèle parmi les meilleures de la profession. J’ai pu avoir accès à des problématiques stratégiques de directions générales avec les responsabilités que cela implique, partout dans le monde. J’ai été très heureux de mon parcours. Ma décision de reconversion n’est pas due à une lassitude au sein du cabinet, je n’ai jamais eu la volonté d’en partir, je m’y suis toujours senti très bien, à ma place, même si des chasseurs de têtes m’ont régulièrement approché. Loin de me sentir dépassé par les nouvelles générations qui sont arrivées, je m’en suis trouvé enrichi, dans nos façons de penser, de travailler. En revanche, le rythme, le stress me pesaient de plus en plus. À la quarantaine, j’avais de nouvelles priorités. Ce travail, très prenant, ne correspondait plus à ce que je voulais, à ce que je voulais être. J’avais envie d’aider les êtres humains à affronter les passages difficiles. »
Le déclic pour sauter le pas d’un changement de vie
Deux mondes… Entre le conseil et ces thérapies destinées à aider les personnes en détresse ou confrontées à une difficulté particulière, le fossé est abyssal. Olivier Favre, bien loin de toutes ces considérations « psy » durant de nombreuses années, a eu affaire à la psychothérapie pour des raisons personnelles, il y a environ dix ans maintenant. « Je ne connaissais pas ce monde, je n’avais aucune sensibilité particulière par rapport à ces approches. Avant, j’avais la vision type du jeune consultant qui fonce, veut réussir, gravir les échelons, avoir une bonne rémunération. Et puis, j’ai vécu un bouleversement intérieur qui m’a fait apparaître comme essentielle la question du sens donné à ma vie. Une nuit dans un avion entre Paris et Nouméa, trente heures de voyage pour aller voir un client important, j’ai su que je devais changer de métier, orienter ma vie différemment. J’aspirais à autre chose. Ce n’est pas une crise, mais plutôt la maturité de la quarantaine et les prises de conscience de ma propre psychothérapie qui m’ont amené à ce choix. » Le train de sa future nouvelle vie se mettait en marche.
Pendant quelques années, alors qu’il se formait à différentes approches de psychologie, mais aussi en hypnothérapie, en respiration holotropique, ou en yoga, Olivier Favre reconnaît avoir parfois dû faire le grand écart entre son job de consultant et sa nouvelle vocation, dans des univers où les valeurs peuvent être opposées. « D’un côté, on aide uniquement l’humain, de l’autre, l’objectif. Au final, l’entreprise est toujours plus profitable, l’humain peut y apparaître secondaire. Même s’il est vrai que certaines entreprises, et les cabinets de conseil en particulier, font de plus en plus attention au bien-être, à la qualité de vie au travail. »
Contrairement au conseil, dans ces approches thérapeutiques, pas de pression du résultat, pas de stress lié à l’urgence ou à un éventuel échec, pas d’outil analytique, pas d’algorithmes pour répondre à la demande. Elles ne travaillent que sur la complexité de l’être humain, de son conscient et de son inconscient.
Pourtant, pour l’ex-consultant, certaines qualités nécessaires à un bon consultant et à un bon thérapeute peuvent se révéler assez similaires. Des qualités qu’il met bien sûr en œuvre dans son nouveau métier : engagement, persévérance, écoute, accompagnement personnalisé, travail en équipe.
« Pour bien conseiller, il faut comprendre l’humain qui est derrière. Chaque interlocuteur est différent, il n’existe pas de méthode toute faite, et nous devons proposer des solutions sur mesure. C’est aussi vrai pour chaque patient. »
Ce choix de vie totalement assumé n’est pourtant pas si simple. Passer du statut de vice-président d’un cabinet de conseil en vue, avec tous les avantages que cela suppose, à celui d’un « jeune » thérapeute inconnu tout juste installé en région est loin d’être évident. Olivier Favre s’est aussi préparé à ce changement de vie. « C’est un long chemin à faire que de changer de statut social. Les répercussions matérielles et financières peuvent s’anticiper. Mais ce qui ne se prépare pas, c’est le statut social, la reconnaissance, on passe de la lumière à l’anonymat. C’est un redémarrage à zéro. Et en même temps, je trouve cela formidable, retrouver cette simplicité, cette humilité. Et j’ai été très soutenu dans ma reconversion. Je sais que je peux compter sur le cabinet au cas où… Dominique Mars m’a dit à mon départ : “Tu fais partie de la famille’’. C’est très fort ! »
Alors peut-être que l’ex-consultant interviendra au sein des cabinets de conseil comme thérapeute pour aider les consultants à gérer leur stress ou à devenir plus performants. Il se dit que certains cabinets utilisent les services d’hypnothérapeutes pour cela. Sur ce point, Olivier Favre ne connaît pas de cas… Pour l’instant, nulle envie pour lui de proposer ses services dans les entreprises. Il privilégie avant tout les particuliers. Mais sait-on jamais ? Pourquoi ne pas accompagner les consultants tentés par un choix de vie différent ? Il a déjà le carnet d’adresses…
Par Barbara Merle pour Consultor.fr
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