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Congé parental des hommes : le conseil en théorie tout à fait ouvert, et en pratique ?

Le conseil en stratégie ne fait pas exception en France : le congé parental, qui peut être pris par une mère ou par un père à la naissance de son enfant, n’est presque jamais exploité par les hommes.

Comme dans d’autres secteurs, la maigre compensation financière en est l’une des raisons, mais un frein culturel perdure également, pénalisant les femmes. Pourtant, les conditions d’exercice du conseil sont des plus propices à l’utilisation de ce congé parental.

06 Mar. 2019 à 18:30
Congé parental des hommes : le conseil en théorie tout à fait ouvert, et en pratique ?

« Un homme consultant qui aurait pris un congé parental ? Vous voulez dire plus que les traditionnels onze jours de congé paternité ? Non, ça ne me dit rien, désolé... » Cette réponse nous a été répétée maintes fois lorsque nous avons contacté une quinzaine de cabinets de conseil en stratégie.

À l’image de la société, le congé parental pris par les hommes est quasi inexistant dans le secteur du conseil. La preuve, nous avons réussi à trouver un seul exemple, pas deux ! Pour rappel, le congé parental (total ou partiel) peut être pris par le père ou la mère et est compensé par une allocation versée par la Caisse d’allocations familiales (voir encadré ci-dessous). Ce congé peut durer six mois dès la naissance du premier enfant et deux ans maximum à partir du deuxième enfant.

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Le contre-argument financier

En France, seuls 2 % des hommes font le choix d’un congé parental à temps plein. Un homme sur neuf réduit ou arrête temporairement son activité après une naissance, contre une femme sur deux, selon l'Insee. Ce qui refroidit les pères, notamment dans le monde du conseil, c’est le manque à gagner que cela représente : le montant maximum de l’allocation versée par la CAF est de 396 euros par mois. «  Prendre ce congé est donc un luxe », explique Alban Neveux, fondateur du cabinet Advention.

« La quasi-totalité des personnes ne peut pas se le permettre, surtout à une période où les dépenses augmentent. Évidemment, si les salaires étaient compensés à 100 %, il y aurait moins d’hésitation ! » poursuit-il. « L’argument financier est vrai dans les autres secteurs, mais si on empiète sur le salaire confortable d’un consultant, c’est le foyer entier qui le ressent », ajoute celui qui, en tant que dirigeant d’entreprise, « n’a même pas pensé à prendre un congé parental » pour la naissance de ses trois filles.

En Suède, pays qui fait figure de bon élève, les pères sont 45 % à opter pour un congé parental qui dure environ quatorze semaines. Et pendant cette durée, ils touchent un revenu de remplacement équivalent à 80 % de leur salaire. Mais le frein financier n’est pas le seul obstacle. En effet, 30 % des Français n’ont pas pris de congé parental parce qu’ils craignaient un impact défavorable sur leur carrière et 9 % ont carrément eu peur que ce choix dégrade leur relation avec leur employeur.

Aménager son emploi du temps plutôt que prendre des congés longs

De fait, une pression supplémentaire est reportée sur les femmes. Bertrand Semaille, dirigeant et fondateur d’Eleven Strategy Consultants, le constate : « Dans notre cabinet, seules les mamans prennent leur congé parental. Jamais aucun papa ne me l’a demandé. »

Même constat chez AlixPartners, où Alain Guillot, numéro un du bureau de Paris, assure : « Pas de demande chez nous. Mais ce n’est pas tabou, on est tout à fait ouvert à cela, que ce soit pour les fonctions support ou pour les consultants. » Pour Alix Renard, DRH chez Roland Berger, il faut aussi prendre en compte la spécificité du secteur de conseil en stratégie, réputé ultra-compétitif et avec des horaires très importants.

« On est face à une population de personnes qui n’a pas forcément envie de faire une pause très longue. Souvent, les jeunes parents vont poser quelques congés classiques après leur congé paternité ou maternité, mais la plupart éprouvent l’envie de reprendre rapidement le travail. » Certains optent donc pour un compromis : une reprise de l’activité à temps partiel après la naissance de leur enfant ou des horaires adaptés. Une proposition faite dans la quasi-totalité des cabinets de conseil interrogés. Même si, là encore, l’exemple national montre que le temps partiel est davantage privilégié par les salariées : en 2017, il concernait ainsi 30,4 % des femmes actives contre 8,4 % des hommes.

Un secteur pourtant adapté

Avec une forte flexibilité, « le métier du conseil s’adapterait pourtant très bien à un congé de six mois, qu’importe la raison », reconnaît Bertrand Semaille d’Eleven Strategy Consultants. D’ailleurs, de nombreux collaborateurs de son cabinet ont fait le choix d’un congé sabbatique, souvent pour voyager. Pourquoi pas pour s’occuper d’un enfant alors ?

Pietro Turati, consultant, data scientist chez Eleven et père de deux enfants, n’en a pas ressenti le besoin. « J’ai pris quelques jours après la naissance de ma fille et le congé paternité deux mois plus tard, mais pas de congé parental. La flexibilité actuelle me permet de voir mes enfants les matins, les soirs, les week-ends... Je n’ai pas ressenti un besoin spécifique de prendre trois mois à leur naissance, par exemple. D’autant que c’était plus simple que ce soit mon épouse qui passe du temps avec la petite, puisque nous avons préféré le lait naturel au lait artificiel. » Il reconnaît tout de même ne pas s’interdire de prendre un congé long plus tard, pour profiter de sa famille.

Congé parental de trois mois : l'exception qui confirme la règle

Axel Demazy, principal au BCG, n’a pas souhaité attendre, lui. Deux mois et demi après la naissance de son fils, il a fait le choix de prendre un congé parental pendant trois mois.

« Dans l’optique d’apprendre à être papa et de passer du temps avec mon fils », explique-t-il. Surtout, cela lui a permis de se placer sur un pied d’égalité avec sa compagne : « Assez naturellement, la maman prend beaucoup de place dans une famille et possède une relation que le papa ne peut pas avoir avec l’enfant. Avoir passé autant de temps que ma femme avec mon fils m’a permis de rééquilibrer la balance. »

Se rendre chez le pédiatre tous les mois, déposer le petit chez la nounou le matin ou aller le récupérer le soir, toutes les tâches sont aujourd’hui réparties de manière strictement égale entre les deux parents, témoigne-t-il.

Le jeune homme de 29 ans et sa compagne avaient pris la décision de ce congé avant même l’arrivée de leur enfant. « Cela a été facile au BCG. Nous bénéficions d’initiatives visant à respecter l’équilibre vie privée-vie professionnelle dans la durée. Après trois mois de grossesse, j’en ai parlé avec mon supérieur hiérarchique et il m’a soutenu. Nous avons donc anticipé ce congé. »

Le client pour lequel Axel est en mission – un acteur du luxe – est prévenu. Le projet est long et couvrira une période supérieure à l’arrivée du petit. « Nous avons donc formé quelqu’un pour poursuivre la mission et j’ai passé le relais. »

Rupture générationnelle

Le jeune homme le reconnaît tout de même, sa décision a étonné : « Certaines personnes ont été un peu surprises. C’est souvent comme ça lorsqu’un comportement sort de la norme. » Le principal évoque notamment une rupture générationnelle avec des aînés à qui il a fallu davantage expliquer sa démarche.

« Pour les générations plus anciennes, ce n’est pas un choix naturel. » Il se souvient qu’on a pu lui faire la remarque : « “Ce n’était pas très intéressant de rester trois mois avec un petit à la maison” pour certains. »

Mais alors pourquoi considère-t-on par défaut que ce sont aux femmes de prendre un congé long à la naissance d’un enfant ? s’interroge-t-il en substance. Axel Demazy persiste : « Ce n’est pas normal qu’en France, on force les femmes à interrompre leur carrière, et pas les hommes. »

D’autant, qu’assure-t-il après s’être documenté sur la question, « d’un point de vue macro, ce temps d’arrêt joue un rôle majeur dans la progression professionnelle d’une femme et dans les écarts de salaire ».

Des initiatives de la part d'entreprises pas encore répliquées dans le conseil en stratégie

Plusieurs études (Cereq, Observatoire des inégalités, CEE, etc.) démontrent en effet que la maternité peut avoir un impact négatif sur la carrière d’une femme. C’est notamment pour lutter contre ces inégalités que certaines entreprises ont mis en place des politiques en faveur de l’égalité : L'Oréal, depuis le 1er mars, a allongé son congé paternité à six semaines tandis que MasterCard propose huit semaines depuis 2017 et Aviva dix semaines. La marque de vêtements Patagonia, quant à elle, est montée jusqu’à douze semaines de congés payés.

« Des démarches vertueuses », salue Axel Demazy, qui, lui, a dû faire un choix du point de vue financier. « C’était presque un congé sans solde. Mais pour tout ce que cela m’a apporté, je ne le regrette aucunement. » Le principal espère même avoir convaincu d’autres hommes autour de lui et n’hésite pas à communiquer sur son choix. Un an après la naissance de son fils, le sujet permet encore d’alimenter des discussions et des débats. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter, à l’entendre, puisque, s’il a un jour un deuxième enfant, Axel Demazy n'hésitera pas à reprendre un congé parental : « Tous mes enfants auront le droit de passer autant de temps avec leur papa. »

Audrey Fisné pour Consultor.fr

Boston Consulting Group eleven
06 Mar. 2019 à 18:30
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congés parentaux, congé parental, maternité, égalité homme femme, parité, femme, consultante, Bertrand Semaille, Axel Demazy, BCG
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