Parité : l’écart persistant entre les objectifs et les résultats
La cinquième édition de l’étude de Consultor sur la parité dans les partnerships parisiens montre, dans un contexte de forte croissance des staffs de partners parisiens, une stabilisation de la part des femmes à 15% du total.
Ce qui, au-delà des nombreuses initiatives engagées sur le sujet de la parité, témoigne des difficultés récurrentes à faire évoluer rapidement ce chiffre.
Deux enseignements au moins ressortent de la dernière étude de Consultor sur la mesure de la parité dans les partnerships des cabinets de conseil en stratégie, que nous publions tous les deux ans (retrouver les précédentes éditions à la fin de l’article).
D’abord, le nombre total des associés, dans les cabinets qui comptent au moins dix personnes dans leur partnership (douze cabinets), progresse significativement. Ils sont 319 en avril 2019 (contre 279 associés en novembre 2017 dans les douze cabinets recensés en novembre 2017 dont certains n’étaient pas les mêmes).Ce qui donne une bonne idée de la croissance du secteur. Surtout que, comme chacun sait, les partners sont les principaux moteurs commerciaux de ces sociétés.
Deuxième enseignement : dans ce contexte de forte croissance, les douze cabinets listés dans notre guide des cabinets de conseil à date et dont nous avons mesuré la parité, maintiennent tout juste la barre des 15% que nous notions en 2017.
Entre 2017 et 2015, nous faisions état d’une progression encourageante de trois points (de 12 à 15%). Il n’en est rien cette fois-ci : pour 15% de femmes associées décomptées dans douze cabinets en 2017 (quarante-deux associées), nous comptons 15,2% de femmes associées dans 12 cabinets en 2019 (quarante-huit femmes associées).
La parité, qui doit grimper en flèche, atteint un plateau
Certes la parité ne régresse pas et on ne peut que s’en féliciter. Mais ces chiffres témoignent des difficultés à tendre plus franchement, et plus qu'ailleurs, vers une égalité des sexes dans l’accès aux responsabilités, dans ce secteur hyper élitiste et masculin.
Car c’est peu dire que les initiatives se multiplient sur le sujet, sans parler de la nomination très symbolique d’Ada di Marzo en tant que managing partner chez Bain. Tout ou presque est mis en œuvre pour que les femmes juniors qui entrent dans nombre de cabinets de la place ne claquent pas la porte au bout de quelques années, tout particulièrement au moment de leur première grossesse.
Les exemples d’initiatives sont pléthores : aménagements d’horaires liés aux grossesses, réintégration des femmes démissionnaires après leur grossesse pour McKinsey, interdiction des réunions avant 9 heures ou après 17 heures, clubs de femmes, parrainages (big sister chez Bain), crèche d’entreprise chez Kea, financement de places de crèche et aide à la garde d’enfants en cas de vols de bonne heure le matin chez Roland Berger, financement de formation pour outrepasser une certaine timidité à exprimer des idées en réunion au BCG…
« La parité est essentielle pour les clients des cabinets de conseil en stratégie qui ont féminisé à tous les niveaux hiérarchiques. Ils attendent de nous que nous soyons le miroir de cette évolution », commente Anne Bioulac, la co-head du bureau de Roland Berger à Paris.
Ce qui n’est pas encore le cas pour le cabinet. Certes le départ de Gaëlle de la Fosse chez Celio a été compensé par l’arrivée de Magali Testard et le cabinet maintient un taux de femmes dans son partnership à 10%. Les 25% qu’Anne Bioulac appelle de ses vœux sont encore loin.
Féminiser en haut de la pyramide : une gageure
Un écart persistant entre les objectifs et les résultats que confirme notre dernier baromètre. Les résultats sont déjà là en bas de la pyramide. Oliver Wyman à Paris recrute plus de femmes que d’hommes. Ce qui est également « presque » le cas pour Roland Berger, selon Anne Bioulac. Comme pour le BCG qui comptait 10% de femmes dans son effectif global en 2004 ; chiffre passé à 35% en 2015 (40 % de juniors, 30 % au niveau chef de projet et 10 % au niveau des partners).
Féminiser le haut des pyramides reste, en revanche, une gageure. Car les femmes partent beaucoup plus rapidement que les hommes en moyenne.
Patience, conjurent les cabinets, c’est un processus de longue haleine, très fortement aléatoire et conjoncturel. « Nous identifions les recrutements seniors comme l’un des principaux leviers d’amélioration. Il s’agit de convaincre des femmes venant de l'industrie de la pertinence de rejoindre un cabinet de conseil en stratégie », commente Anne Bioulac.
McKinsey, qui se fixe pour objectif d’atteindre la parité dans son partnership en 2020, est un bon exemple du décalage qui peut perdurer, entre objectifs et résultats. En France, le nombre d’associés est passé de quarante et un à quarante-trois sur la période. Sur les mêmes deux années, le nombre de femmes associées a lui reculé (de dix à huit femmes associées), et ce alors même que ses promotions de partners de décembre faisait état d’une quasi parité (trois femmes sur sept).
Peut-être, faut-il, en effet, laisser le temps aux politiques engagées de porter leurs fruits. Parmi ses vingt associés seniors, les générations de consultants les plus anciennes, le BCG ne compte qu’une femme. Alors que neuf femmes ont été cooptées associés parmi les quarante directeurs de ce grade que compte le bureau parisien. Patience est mère de toutes les vertus, dit l’adage.
Les premiers index de la parité en préparation (dans le conseil aussi)
Mais le temps presse. En janvier 2019 est paru le décret qui obligera progressivement les entreprises de moins de 1 000 à moins de cinquante salariés à publier un index annuel de parité. L’index, sur 100 points, se calculera à partir de quatre à cinq indicateurs selon que l’entreprise fait moins ou plus de 250 salariés :
- l’écart de rémunération femmes - hommes,
- l’écart de répartition des augmentations individuelles,
- l’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés),
- le pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité,
- le nombre de personnes du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Si l’entreprise obtient moins de 75 points, elle devra mettre en œuvre des mesures de correction pour atteindre au moins 75 points, dans un délai de trois ans. Les entreprises qui ne publieront pas leur index ou ne mettront pas en œuvre de plan de correction s’exposeront à une pénalité financière, jusqu’à 1% de la masse salariale. Roland Berger prépare d’ores et déjà la publication de son premier index.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
Les précédentes éditions de ce baromètre sont à retrouver ici :
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