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Quand Bercy envoie le BCG faire le ménage chez 60 millions de consommateurs

 

Quatre mois durant, les consultants envoyés par le ministère des Finances auront disséqué les rouages du magazine connu pour ses comparatifs de produits de consommation courante.

Une mission dont les salariés gardent un souvenir très amer et dont ni la direction ni les tutelles ne pipent plus mot. Récit.

 

Benjamin Polle
10 Sep. 2021 à 05:00
Quand Bercy envoie le BCG faire le ménage chez 60 millions de consommateurs

 

Pour 60 millions de consommateurs, 2020 aura été la goutte de trop. Déjà déficitaire depuis plusieurs années, l’Institut national de la consommation (INC), l’établissement public qui édite le magazine depuis 1971 et se charge d’éclairer pouvoirs publics et particuliers sur les questions de consommation, touche alors le fond.

La pandémie de covid-19 a privé le titre d’une partie importante de sa diffusion et la faillite de Presstalis, la société de distribution de la presse, a fini de plonger l’institut et son mag’ dans le rouge. Pour boucher un trou de 2,8 millions d’euros (15,3 millions de produits, 18,1 millions de charges pour l’INC en 2020), la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), qui représente l’État au conseil d’administration de l’INC, consent une aide exceptionnelle de 1,6 million d’euros en sus d’une subvention annuelle, qui n’a cessé de baisser.

La direction des fraudes en appelle à l’unité de transformation du Premier ministre

Ce n’est pas un chèque en blanc. De longue date, la DGCCRF et la tutelle de l’INC à Bercy – qui incombe actuellement au ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, Alain Griset – poussent pour que les activités de service public (essais comparatifs, production de l’émission ConsoMag diffusée sur les chaînes de France Télévisions, soutien aux associations de protection des consommateurs, formations et colloques, documentation) soient séparées des activités commerciales (édition de 60 millions de consommateurs). Ces dernières ont longtemps permis de compenser les déficits des premières.

Las, en 2020, covid oblige, les ventes ont été mauvaises et tous les numéros n’ont pas pu sortir. C’est ainsi qu’à l’été, la DGCCRF se tourne vers la direction interministérielle de la Transformation publique (DITP).

La mission est claire pour l’unité de vingt-cinq personnes logée au sein des services du Premier ministre et principale porte d’entrée des cabinets de conseil en stratégie et management dans le secteur public (relire notre article) : faire sortir de terre un plan stratégique pluriannuel 2021-2026 à même de ramener l’INC à l’équilibre financier.

Et Sihame Sellali, directrice du projet accélérateur de performances à la DITP, qui chapeaute la mission à l’INC, ne vient pas seule : elle délègue la réalisation de la mission au Boston Consulting Group – l’un des trois cabinets de conseil en stratégie choisis lors de l’attribution en 2018 par l’État du marché-cadre de transformation de l’action publique (relire notre article). Un marché que coordonne justement la DITP.

Le BCG entre en piste

De septembre à décembre 2020, voilà donc une équipe de consultants du BCG catapultée à l’INC. Seront notamment très actifs dans la mission François D., un associate, ancien de Theano Advisors (relire notre article) ; Kyann A. un senior associate au BCG depuis sa sortie de l’ESSEC en 2017 avec une spécialisation dans les médias, et un principal, Benjamin B., lui aussi issu de l’ESSEC et qui a fait une grande partie de sa carrière au sein du cabinet. Une ancienne cadre de la presse est également recrutée pour apporter une expertise spécialisée sur le modèle économique et la stratégie digitale du métier de la presse magazine.

L’équipe multiplie les ateliers et les groupes de travail et mobilise une bonne moitié des effectifs de l’INC qui compte alors 65 collaborateurs (dont la rédaction de 60 millions de consommateurs, des juristes, des économistes, des documentalistes…).

Deux objectifs sont assignés aux consultants : ébaucher les scénarios stratégiques envisageables sur la base d’une synthèse des données internes et externes disponibles puis mobiliser les équipes autour du projet retenu. La première phase est la plus courte (trois semaines environ), quand la seconde s’étire sur une dizaine de semaines.

Le 10 novembre 2020, lors d’un point d’avancement, le BCG met en avant plusieurs leviers de création de valeur du côté de 60 millions de consommateurs, reprenant à son compte nombre des objectifs de la direction : production de mooks, nouvelles campagnes de mailing postal, augmentation des tarifs d’abonnement, mise en place d’abonnements à tacite reconduction, recherche de nouveaux canaux de distribution, optimisation du tirage pour limiter les invendus…

Côté service public, la recherche d’économies est beaucoup plus sévère, de l’ordre d’un million d’euros, et des réductions d’effectifs déjà évoquées par la DITP et le BCG.

Les consultants préconisent encore la recherche de nouvelles sources de financement et le recrutement de moyens RH nouveaux (pour un coût annuel de 300 000 euros au total).

Avec l’ensemble de ces préconisations, le BCG table sur une poursuite de pertes en 2021 (du fait des investissements initiaux consentis) et un retour aux bénéfices de 1,1 million d’euros en 2022 et de 1,6 million d’euros en 2023.

Quelques semaines plus tard, début décembre, au moment de boucler la mission, les prévisions du cabinet sont précisées, mais l’essentiel demeure. Le budget 2021 de l’INC, présenté en conseil d’administration quelques jours plus tard, le 17 décembre, s’inscrit même dans la ligne des chiffres établis par la DITP et le BCG.

Le couperet des licenciements

Puis rideau sur la mission. Enfin pas tout à fait. Car, parmi les salariés de l’INC, la mission de conseil laisse un goût très amer. En effet, deux mois après sa conclusion, dans une visioconférence du 11 février, la direction fait savoir que onze postes vont être supprimés, à la documentation, à la pédagothèque à destination des étudiants et au réseau des centres régionaux de la consommation.

Une coupe claire dont les salariés tiennent responsables le BCG et la DITP, perçus comme les porte-flingues de Bercy, indiquant a fortiori que les conclusions commandées à un cabinet tiers, Secafi, pointaient d’autres réorganisations possibles.

Depuis la fin la mission et l’annonce des licenciements, les départs se sont multipliés (une dizaine), quand bien même l’INC a obtenu un prêt garanti par l’Etat, et la trajectoire financière n’est pas à l’amélioration. En interne, on craint le pire : un nouveau plan social à l’automne dans le meilleur des cas, voire une suppression de l’INC.

La direction de l’INC a indiqué à Consultor que la DITP avait la charge de la mission et n’avoir aucun commentaire à apporter.

La DITP a fait savoir à Consultor qui lui est difficile de communiquer sur une mission DITP dès lors que le commanditaire ne souhaite pas s’exprimer. Elle rappelle qu'elle recourt à des consultants en management et stratégie pour différentes raisons par exemple pour réaliser certaines activités à un meilleur coût, faire face à des pics d’activités ou gagner en flexibilité ou mobiliser des compétences, des techniques, des innovations complémentaires à celles de l’Etat. 

Le BCG n’a pas donné suite à nos demandes.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

 

Boston Consulting Group
Benjamin Polle
10 Sep. 2021 à 05:00
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commentaires (8)

Sebb
16 Sep 2021 à 22:51
Une honte de mentionner les prénoms de ces consultants tout juste sortis d'école.
Où sont les noms des Managing Directors ?

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John88
15 Sep 2021 à 11:06
Il y avait peu de chance d'obtenir des résultats sans un vrai travail de prospective et d'idéation. La protection des consommateurs est un besoin essentiel. Mais le monde change et il aurait plutôt fallu à INC une bonne scéance de Design Fiction et de Design Thinking

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UnAncien
12 Sep 2021 à 07:54
Idem, c'est assez inélégant. En revanche il est intéressant de rappeler qu'on parle ici de mission à très faible seniorité, certainement avec très faible valeur ajoutée des dits consultants (qui ne parlent d'ailleurs pas d'intérêt média dans leurs LI).

Consultor l'indique de façon astucieuse en annonçant que le rapport BCG reprend à son compte ce qui est ressorti des entretiens menés par le cabinet.

Clairement ce type de mission classique de diag n'a rien à faire au BCG si le ministère lui même recherche l'efficience de ses achats. Nombreux cabinets en orga de la place sont pertinents.

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Max
10 Sep 2021 à 21:58
C'est franchement inélégant (comprenez : honteux) de balancer les noms des juniors sur site qui écrit des panégyriques à la gloire des partners des cabinets qui vous paient.

A la lecture de l'article, on a aussi l'impression que Bercy et la DITP ont payé le BCG pour faire le sale boulot qu'ils ne voulaient pas assumer (mais ont redemandé des coupes budgétaires supplémentaires...).

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MONTEILLARD
10 Sep 2021 à 17:38
Bonjour,
Je lis votre article, vous employez l'acronyme BCG sans donner la signification dignification. Sauf erreur...

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Tom
10 Sep 2021 à 15:53
Bonjour Consultor,
Consultant moi même je suis toujours très intéressé par vos articles. Et celui est d’ailleurs très intéressant.
Je ne comprends cependant pas pourquoi vous mentionnez les prenoms des consultants . Cela n’importe rien, et ce n’est pas en supprimant la majeure partie du nom de famille que vous anonimisez pour autant …

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Douteux
10 Sep 2021 à 12:30
Effectivement, quel retour sur investissement pour le secteur public d'utiliser un cabinet aussi cher que le BCG de "Septembre à Décembre" ? Le conseil au secteur public, sous couvert d' "impact", a probablement surtout un impact sur les comptes des cabinets qui facturent trop cher rapport à ce qu'ils apportent réellement dans le cas de petites structures (65 salariés, là où par exemple un McKinsey pense ne pas pouvoir travailler avec des entreprises privées si elles n'ont pas au moins 300 m $ de CA !)

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RORO
10 Sep 2021 à 10:59
Honnêtement quel ROI de faire intervenir un gros cabinet pour un si petit machin ou c'était évident que ça allait finir comme ça ?
Pour que le conseil au public soit crédible il faut vraiment que les cabinets (pas que le bcg of course) apprennent à dire NON
Et d'ailleurs je trouve ça peu élégant de publier le nom de juniors qui n'ont rien demandé et ont une respo limitée dans ces histoires

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