Alumni : des « ex » encore bien actifs
Recrues, ambassadeurs, clients : les cabinets font tout pour maintenir un lien fort avec leurs alumni, un pari gagnant.
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Il faut choyer les candidats-consultants sur le départ, les futurs, et précieux, alumni. Telle est la thèse d’un article étayé récent de la Harvard Business Review que la vice-présidente monde et responsable global des alumni de Bain & Company, Jenifer Andrasko, a mis en application au sein du cabinet.
Car ces alumni sont des ressources inestimables à plusieurs égards : ils sont de très bons ambassadeurs en termes d’image de marque, ils sont les meilleurs prescripteurs de leur cabinet d’origine, voire deviennent eux-mêmes clients, ils font leur part dans l’attractivité du cabinet pour les futurs talents (tout particulièrement pour les anciens du secteur qui s’illustrent), et, pour certains, réintègrent leur cabinet d’origine à divers stades de leur carrière professionnelle.
Un come-back plutôt exceptionnel
Mais ils ne sont finalement pas très nombreux à réintégrer un cabinet une fois qu’ils ont tenté l’aventure ailleurs. Quelques dizaines depuis près de quarante ans pour Bain & Company Paris (le bureau a été créé en 1985) selon Emmanuel Coque, associé depuis deux ans, et alumni partner en charge du réseau en France et de la coordination avec les réseaux EMEA et mondial.
Même constat chez Monitor Deloitte. « Ça arrive de temps en temps, et ç’a été plus vrai par le passé, à la fin des années 90, mais ce n’est pas fréquent », confirme l’associé, Samuel Galbois. Une branche strat’ de Deloitte qui compte tout de même deux associés boomerang (comme sont appelés les collaborateurs qui reviennent) sur un total de neuf associés : Stéphane Bazoche, le managing director France depuis 2020 (ici), parti deux ans chez McKinsey entre 2013 et 2015, et Thomas Croisier, son prédécesseur à la tête du bureau parisien (2015-2020), lui aussi aux abonnés absents de Monitor pendant deux ans.
Hugues Havrin, partner au sein du cabinet Oliver Wyman, confirme également la tendance : pas plus d’un à deux retours de managers par an. C’est peu par rapport au turn-over des quelque 230 consultants et 44 partners du cabinet, qui se dit très flexible depuis cinq ans dans la gestion des départs, et des éventuels retours. « Nous avons une approche très positive et proactive sur le welcome back. Car nous nous sommes rendu compte de l’évolution générationnelle et les attentes très fortes de mobilité », note ce partner en charge du recrutement d’Oliver Wyman pour la France. Chez PMP, cela reste aussi assez exceptionnel, de l’ordre des doigts d’une main, depuis que le réseau a été créé il y a bientôt 20 ans.
Il y a cependant quelques cas qui font bruisser le landernau du secteur, comme le retour de Michel Jacob, l’ancien managing partner de Roland Berger parti pour Oliver Wyman et qui a fait un tonitruant retour à la case Berger il y a un an (relire ici).
Des prescripteurs de marque
Si les allers-retours ne sont pas la norme, loin de là, les cabinets prennent pourtant grand soin de leurs alumni. À coup de réseaux très structurés et très actifs. Alors si les chouchouter n’est pas pour les pousser au come-back, à quoi servent-ils réellement ?
« Once a Bainie, always a Bainie. Ils sont la vitrine de nos valeurs et de nos talents, des promoteurs, et parfois des clients. Et sur le sujet d’attractivité des talents, ceux qui connaissent de très beaux débouchés, qui sont dans le classement Choiseul (ici), comme Arnaud Sourisseau [CEO de la plateforme One Man Support – ndlr], ou Anthony Lallier [nommé managing director d’UPSA en mai dernier – ndlr], sont une belle vitrine marketing », avance le Bainie de dix ans Emmanuel Coque.
« Ils sont les ambassadeurs de notre marque chez nos clients. Nous avons bien sûr également un intérêt commercial à maintenir une relation de confiance », reconnait Jean-Pierre Cresci, partner au sein du cabinet Oliver Wyman en charge du réseau d’alumni en France.
Selon la plateforme Gallup, les employés qui ont une expérience de sortie positive sont, en effet, trois fois plus susceptibles de recommander cette organisation à d’autres. Un moyen également de rester en contact avec le marché, selon Samuel Galbois de Monitor Deloitte. « Et il faut toujours laisser une porte ouverte pour que les consultants reviennent avec une belle expérience », ajoute cet associé qui souhaite une véritable structuration du réseau d’alumni de la filiale stratégie de Deloitte.
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Tous les cabinets en ont un et proposent des fonctionnalités comparables. D’où viennent-ils et à quoi servent-ils? Plusieurs responsables répondent à nos questions.
Le réseau fait la force
Et pour cela, Bain a sorti le grand jeu. L’animation de son réseau d’alumni (800 membres en France, 20 000 dans le monde), à travers une équipe dédiée, est permanente : deux cocktails par an avec partage sur des thématiques de fond (l’économie circulaire en ce début juillet), un système structuré de leur gestion (chaque alumnus dispose d’un guardian qu’il choisit au sein du cabinet et qui le suit tout au long de sa carrière post-Bain).
Le cabinet a lancé il y a quelques semaines une plateforme destinée aux anciens, Beyond Bain, visant à renforcer les liens entre eux et avec le cabinet : des infos par segment d’intérêt, des publications et contenus exclusifs, accès à des ressources privées du cabinet (comme des outils graphiques), et une zone d’échange sur les carrières (partage de propositions de jobs, conseils sur les reconversions…).
Chez Oliver Wyman, une offre de valeur spéciale alumni a été développée récemment : chaque membre du réseau a accès à un service appelé les experts OW avec des infos spécifiques à son secteur d’activité actuel plus des contacts directs interalumni par thématique (industrie, opérations…) et sous-thématique (finance, transports…).
Le cabinet a également mis en place un referral program dédié aux alumni qui leur octroie une prime lorsqu’ils permettent de recruter d’autres collaborateurs. « Comme tous les réseaux, le nôtre n’a de valeur que parce que nous l’animons constamment. Nos alumni interviennent également régulièrement dans des webinaires thématiques internes que nous organisons, comme l’intervention d’une ancienne consultante devenue CEO autour de la gestion vie pro-vie perso, ou de fondateurs de start-ups sur les thématiques qui ont trait à l’entrepreneuriat », atteste le partner d’Oliver Wyman Jean-Pierre Cresci.
Là encore, les cabinets cherchent à innover pour sortir des classiques : cocktails, soirées, newsletters, réseaux sociaux… « Nous avons créé la rubrique “PMP soutient ses alumni” sur nos réseaux sociaux pour accroitre la visibilité de leur business. Dans notre newsletter interne, nous communiquons chaque semaine le portrait d’un alumnus, son rôle chez PMP et ce qu’il est devenu », confirme Virginie Debroize, communication et events manager du cabinet à taille humaine (60 consultants en 2017, 140 aujourd’hui), satisfait d’avoir construit un réseau d’anciens de 300 membres. Et fait notoire, tous les anciens consultants de PMP font partie du réseau d’alumni.
Des départs préparés aux petits oignons
Et pour garder de bons liens avec ses alumni – encore faut-il ne pas rompre le fil avec ses consultants en partance –, les cabinets doivent préparer au mieux les départs et éviter les conflits. L’équipe de Bain Career Advisory propose ainsi un coaching et une planification de carrière tout au long du parcours chez Bain pour accompagner les aspirations professionnelles individuelles. « Nous avons des équipes spécifiques d’anciens chasseurs de tête qui interviennent au moment de la transition, qui les accompagnent dans leurs travaux sur le développement de leur carrière », pointe l’associé Emmanuel Coque.
Lors de leur départ, ce service aide aussi les sortants à entrer en contact avec des anciens dans leurs domaines d’intérêt et des opportunités d’emploi dans le secteur recherché. À Paris, Oliver Wyman dispose d’un process d’accompagnement des départs et post-départs depuis plusieurs années. « Pour chaque candidat au départ, un sponsor défini, avec un vrai rôle d’interface, a en charge de s’assurer que le lien perdure. On peut aider ceux qui nous quittent à prendre en main leur nouveau job avec des conseils d’associés de partners experts. C’est toujours gagnant-gagnant », confirme Hugues Havrin. Ainsi, Oliver Wyman a pu faire appel à d’anciens partners en tant que senior advisor sur certains projets, ou faire intervenir d’anciens consultants plus juniors indépendants, appelés contractors.
Car avec l’évolution de la notion de mobilité professionnelle de plus en plus présente parmi les jeunes générations, les cabinets prennent conscience de la nécessité d’avoir une politique RH de plus en plus agile, à tous les stades de la vie professionnelle.
« L’idée est de montrer que nous avons une proposition de valeur plus ouverte, qui permet de faire vivre à nos collaborateurs tous leurs projets, professionnels comme personnels. Le come-back est une tendance de fond, qui va s’amplifier dans les années à venir », anticipe Hugues Havrin. Une politique de retours qui peut se révéler d’autant plus judicieuse lors des périodes de recrutement à flux tendu.
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