Classement Consultor private equity 2022 : beaucoup de consultants à l’affût, peu d’élus
Si tous les cabinets de conseil en stratégie veulent se positionner sur le conseil en stratégie aux fonds de private equity, qui ne montre que des signes ténus de ralentissement, la prime aux historiques est forte. C’est ce qui ressort notamment du classement Consultor 2022 des cabinets de conseil en stratégie dans le private equity.
Les 202 dirigeants en activité dans un panel de plusieurs dizaines de fonds de private equity, sondés par Consultor sur l’image qu’ils ont des cabinets de conseil en stratégie qui interviennent notamment auprès d’eux lors d’achats ou de reventes d’entreprises, envoient un message clair.
Les différents cabinets dont le penchant private equity est assumé de longue date sont nettement plus positivement considérés par les fonds. La différence avec les autres sondages réalisés par Consultor, auprès d’étudiants ou d’autres clients dans divers secteurs (pharma, services financiers, grande consommation), est nette.
Dans le PE, des spécialistes très bien perçus par les clients
Ainsi de L.E.K. qui était 9e cabinet sur l’attractivité dans le classement étudiants 2022 et qui apparaît 6e dans ce classement private equity. Mieux, Eight Advisory qui passe de la 16e à la 5e place, ou INDEFI de la 22e à la 10e place. Même dynamique tout en haut du classement où Bain apparaît en numéro 2 : le cabinet publie un rapport annuel sur le private equity très suivi et compte plusieurs partners dédiés au PE à Paris.
Inversement, les cabinets dont les domaines de spécialisation ne portent pas particulièrement sur le private equity enregistrent une nette déperdition d’image par rapport à d’autres classements sectoriels. Monitor, qui était 3e sur l’image dans le classement Consultor dans la pharma, apparaît 15e sur le private equity.
Il y a donc une division qualitative assez nette qui s’opère dans les réponses des sondés entre les cabinets experts du PE et les autres.
Primes à l’expérience et à la marque
« Chez L.E.K., cela fait 25 ans que nous faisons du PE. Nous donnons des formations à différents fonds sur la manière de gérer les due dil. C’est un secteur où l’expérience et le savoir-faire sont décisifs, ainsi que la rigueur des analyses, l’écoute des clients, la capacité à aller creuser là où il y a de l’incertitude. Chez nous, c’est pour cette raison que tout le monde en fait », dit Serge Hovsepian, associé senior du bureau parisien de L.E.K. Consulting, patron de la practice PE Europe du cabinet.
Une prime à l’expérience qui se double d’une prime à la marque ainsi que le corrobore Julien Berger, managing partner chez INDEFI (spécialiste du PE avec 75 consultants à Paris et 20 % de croissance par an depuis dix ans) : « On est sur un marché où la prime aux acteurs connus est forte et où une certaine barrière au développement est liée à la marque. Dix ans que nous travaillons cette image chez INDEFI et nous sommes heureux de voir que nous sommes clairement identifiés aux côtés des acteurs historiques du conseil en stratégie. On note qu’en dehors de ce top 10 auquel nous appartenons, peu de cabinets ont réussi à faire des incursions notables dans l’univers du private equity. »
Ce segment de conseil en stratégie est peu ouvert pour plusieurs raisons : « Les contraintes de calendrier très fortes des process de private equity imposent des méthodologies de gestion de projet spécifique maitrisées ; la diversité des interlocuteurs avec qui interagir dans le cadre des process, les investisseurs, le management des entreprises, ainsi que les prêteurs, nécessitent une agilité relationnelle importante, souvent associée à une sensibilité entrepreneuriale forte, que seule l’expérience autorise ; enfin, du partner au consultant, des compétences analytiques importantes qui doivent être mises au service d’un business sense affuté, indispensables pour permettre de transformer des analyses aussi pertinentes soient-elles en conclusions claires et surtout adaptées aux questions ciblées posées par nos clients, qui s’enrichissent et évoluent tout au long des process », énumère Julien Berger chez INDEFI.
A fortiori, ce top 10 s’entretient par divers mécanismes. Par exemple, L.E.K. voit chaque année un certain nombre de ses consultants partir dans les fonds (relire notre article sur les départs chez les clients).
« Les gens partent dans la très grande majorité dans de très bons termes, ils connaissent la qualité de nos études, donc ils retravaillent avec nous », détaille Serge Hovsepian
Les spécialisations sur certaines classes d’actifs peuvent aussi être une barrière importante : ainsi des large cap où les MBB règnent en maitres.
Un marché qui suscite des convoitises
Un marché plutôt fermé donc. Ce qui n’empêche pas que la plupart des cabinets identifient le PE comme un relais de croissance important, veulent s’y développer ou y entrer. Ce qu’illustre par exemple le nombre de cabinets notés sur l’image dans ce classement : ils sont 18 dans le private equity, quand ils n’étaient que 9 dans les classements Consultor de la pharma ou du retail.
Cette course aux nouveaux entrants a été de surcroît renforcée par la conjoncture récente. « En 2021 et jusqu’au premier semestre 2022, le marché du private equity a connu une croissance historique. Ce qui fait que nous et d’autres n’avons pas été en mesure de servir toutes les demandes d’études stratégiques qui nous ont été adressées par les fonds. Notre délai de traitement est allé jusqu’à six semaines chez L.E.K., quand il est d’une à deux semaines en temps normal. Les fonds se sont tournés vers d’autres prestataires, parmi lesquels il y a d’excellents professionnels et d’autres moins bons. Certains fonds ont été déçus », analyse, quant à lui, Serge Hovsepian chez L.E.K.
Une déception palpable dans certains des retours qualitatifs faits par les dirigeants sondés. Ainsi ce dirigeant chez Rothschild qui juge EY-Parthenon ou Monitor Deloitte « légèrement en dessous des grands cabinets, notamment sur la présentation, la richesse ou la précision des thèmes abordés ». Si, chez un autre client, Estin est apprécié pour son « intelligence, très liée à la personnalité du consultant », le cabinet est aussi perçu comme « pas très moderne ». « No comment », réagit avec humour Philippe Estin, le vice-président du cabinet.
D’autres dirigeants estiment que certains des cabinets ne font pas ou très peu de due dil stratégiques : « KPMG [GSG – ndlr] et Eight Advisory vus sur les due dil financières mais pas sur les due dil de marché », écrit un répondant.
A contrario, un dirigeant chez Rothschild estime que les due dil conduites par le BCG et Bain ont donné lieu à de « très bons rapports tant sur la forme que sur le fond ». Et d’ajouter au sujet de ces deux cabinets : « Très bons échanges avec les consultants : réponses précises, détaillées et chiffrées. Apportent un vrai plus par rapport à la due diligence que nous pourrions faire nous-mêmes ». Chez Starquest Capital, les « études relatives aux investissements à impact » du BCG sont jugées « excellentes ».
Ce qui ne veut pas dire que les historiques n’en prennent jamais pour leur grade. Ainsi d’un dirigeant chez PAI Partners qui considère « très décevant » le BCG sur les due diligence. « Très high level et pas très pertinent », tance-t-il. Pas beaucoup mieux d’Advancy dont ce même dirigeant dit qu’il est « bon sur le quanti, mauvais sur le wording, la concision et l’impact des messages ».
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Après une année 2021 record et un début 2022 tout aussi soutenu, les fonds d’investissement se préparent à naviguer avec plus d’incertitudes, sur fond de guerre en Ukraine et de tensions inflationnistes, et dans les cabinets de conseil qui les accompagnent, on a dû s’adapter.
Les cabinets plus ponctuels et les nouveaux entrants
Cette polarisation en deux groupes – les PE compatibles et les autres – ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de place pour des cabinets plus ponctuels auprès des fonds. D’une manière ou d’une autre selon les cabinets. « Nous intervenons sur une quinzaine de dossiers par an. Ce sont principalement des opérations de large cap dont une partie pour des holdings familiaux », détaille Philippe Estin.
Chez CVA, le PE représente 10 à 15 % du chiffre d’affaires sur les dix dernières années. Un chiffre qui n’a pas vocation à évoluer, par choix résolu, explique à Consultor le fondateur du cabinet, Paul-André Rabate.
« Nous, nous travaillons avec le PE dans une relation très suivie avec une dizaine de fonds, sur les sujets de nos plateformes de disruption dont nous sommes les meilleurs experts [énergie et transition circulaire, mobilité, transition agroalimentaire… – ndlr] comme nous le faisons avec nos clients dans d’autres domaines. Si un fonds nous appelle sur l’hydrogène, sujet sur lequel nous travaillons de manière très approfondie (voir notre article), notre équipe énergie spécialiste du sujet va s’en charger », explique-t-il. Il tacle au passage la piètre marque employeur renvoyée par les cabinets spécialistes du PE : « Le PE à 100 %, c’est un tue-l’amour ».
Dernière approche : celle des nouveaux entrants. C’est celle de Strategia, qui a réalisé 20 à 30 transactions au cours de sa première année d’existence et compte se développer dans le PE sur les due dil préacquisitions, les plans post acquisitions, les full potential plans ou les vendor due diligence.
« Notre approche est de commencer par nous focaliser sur certains fonds, du fait des efforts commerciaux requis pour entrer dans un fonds. Le but est de commencer par faire dix transactions avec un fonds plutôt qu’une transaction avec dix fonds. Nous avons une forte exigence de qualité, c’est notre seule manière de nous développer parce que nous n’avons pas encore l’image de marque. Nous devons nous différencier au début et nous constituer un track record qui créera de la récurrence », détaille Thomas Chèvre, partner fondateur du cabinet.
Un marché au beau fixe (ou presque)
Divers positionnements que la dynamique de marché ne doit pas contrecarrer dans un proche avenir. Le retournement inflationniste de l’économie ? « Pour l’instant, on ne le voit pas. Nous continuons de refuser beaucoup de missions », se réjouit Nicolas Kandel, partner chez CMI et fondateur de l’activité PE du cabinet.
Même son de cloche de Julien Berger chez INDEFI avec quelques modulos : « Si nous percevons les premiers signes d’un ralentissement d’activité sur les segments upper mid et large cap, c’est surtout une hyperfocalisation sur un nombre plus limité de secteurs, santé ou digital, et une sélectivité accrue sur des actifs de grande qualité, que nous percevons. En revanche, si un certain attentisme dans le contexte actuel est bien légitime, les segments du small et lower mid cap nous semblent plus résilients. Même si le marché devrait connaitre un ralentissement marqué, au moins à court terme, nous anticipons une poursuite de la croissance de notre activité au rythme historique. »
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