Retournement : Jay Alix met McKinsey K.O.
Des sources internes indiquaient au Wall Street Journal le 4 avril dernier que RTS (Recovery and transformation services), la marque de retournement d’entreprises en déconfiture que McKinsey avait lancée en 2010, allait fortement réduire la voilure, voire cesser – après des années de conflits judiciaires la concernant aux États-Unis. En France, où RTS avait été développée de 2014 à 2020, hormis un gros contrat voilà quelques années pour CMA-CGM, la concurrence dit ne plus voir la firme sur ce sujet.
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Coup de gel sur le conseil en retournement chez McKinsey : mardi 4 avril, le Wall Street Journal indiquait que McKinsey fermait sa practice RTS à la suite d’années de conflits judiciaires et de suspicions de conflits d’intérêts.
Certes, quelques heures après, le cabinet précisait qu’il ne s’agissait pas d’une fermeture, mais bien d’une réduction de ses activités de conseil en retournement qui n’a aucun lien avec le plan global de réduction de ses effectifs (le cabinet entend actuellement à supprimer 2 000 postes dans ses fonctions support). « McKinsey RTS fait plus largement partie de notre practice de transformation qui continue à croître et à servir des clients à travers le monde », déclarait le cabinet.
Il n’en reste pas moins que, selon le WSJ, plusieurs partners étiquetés RTS ont soit quitté le cabinet soit pivoté vers d’autres activités.
Cette fuite intervient après des années de conflit ouvert entre McKinsey et un historique du conseil aux entreprises en retournement.
En effet, voilà maintenant quasi une décennie que Jay Alix, le fondateur de la société éponyme AlixPartners, ferraille contre ce qu’il juge être des pratiques illégales de McKinsey dans le développement de ses activités de retournement. En 2018, il avait porté plainte à titre personnel pour des pratiques commerciales jugées anticoncurrentielles qui auraient évincé AlixPartners hors de son marché historique du conseil en retournement, et auraient rapporté 225 millions de dollars d’honoraires à McKinsey.
Dans plusieurs dossiers, McKinsey avait dû conclure de coûteux accords financiers – notamment du fait de possibles conflits d’intérêts avec le fonds d’investissement du cabinet.
Ces affaires ont mis un net coup d’arrêt aux investissements effectués par McKinsey pour le développement de RTS, après que le démarrage de la marque avait été marqué par un rapide développement et l’octroi de gros dossier à McKinsey dans le secteur minier ou à Puerto Rico.
McKinsey avait été jusqu’à débaucher au moins huit associés d’AlixPartners pour développer le business (pour rappel, il y a aussi eu conflit entre AlixPartners et le BCG).
Pour la France, la décélération de RTS était déjà connue. Dans l’Hexagone, en 2014, McKinsey avait recruté une équipe entière, celle d’Helen Lee Bouygues, passée par Alvarez & Marsal - elle n’était finalement restée que 3 ans. Philippe Dume, qui était arrivé d’Alstom en mars 2018 en tant que vice-président senior de RTS, était, lui, parti en 2020.
En France, dans la concurrence, on dit avoir surtout vu RTS auprès de CMA-CGM quand l’armateur – loin de son insolente santé du moment – essuyait des pertes trimestrielles à répétition du fait des surcapacités du secteur. Depuis, rien ou très peu : en 2020, McKinsey RTS a remporté un marché pour un groupe coté à Paris.
Pour ces concurrents, l’effacement de McKinsey RTS dans McKinsey Transformation est logique. Pour eux, en France du moins, une certaine atonie des retournements dans le contexte post-covid, où nombre d’entreprises préfèrent jouer la carte des transformations, joue en défaveur des marques de conseil étiquetées restructuring. À l’instar de RTS donc, mais sur le marché BCG Turn pourrait également être touché par cette dynamique.
« La question est : entre le canal historique, que ce soit McKinsey et McKinsey RTS, ou BCG et BCG Turn, entre le retournement et la transformation, la différence est-elle suffisamment claire ? En réalité, beaucoup de ces consultants savent faire les deux, et si la différence n’est pas claire, la nécessité de maintenir les deux marques ne l’est pas non plus », dit un partner de conseil en retournement actif à Paris.
Ainsi, toujours en France, chez McKinsey, Martin Dervichian, qui fut vice-président RTS en 2017, a muté sur la transformation – sujet sur lequel il est aujourd’hui partner.
Aux États-Unis, le conflit judiciaire opposant McKinsey et Jay Alix prend des airs de guerre de tranchées : en octobre 2022, la Cour Suprême n’avait pas entendu un recours de McKinsey qui entendait retoquer un appel antérieur favorable à Jay Alix.
Sollicité par Consultor, l’avocat de Jay Alix, Sean F. O’Shea, n’était pas disponible. Interrogé, McKinsey n’a pas donné suite aux sollicitations de Consultor.
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