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Télétravail : le full remote est-il l’avenir du conseil en strat ?

 

Si la France est passé de 3 % de télétravailleurs réguliers à 20 % en full remote lors du confinement, qu’en est-il du conseil en strat’ ? Le 100 % télétravail a-t-il un avenir dans ce secteur ?

Quelques mastodontes de la tech, Facebook, Google, Spotify s'y engagent déjà. Et plus près de nous PSA qui promet de faire du travail à distance la référence pour les activités non reliées à la production. Dans le conseil en stratégie, on se montre plus prudent. 

Barbara Merle
23 Jul. 2020 à 05:03
Télétravail : le full remote est-il l’avenir du conseil en strat ?

 

Après plusieurs semaines de télétravail forcé (relire notre article sur le sujet ici), le retour à une organisation du travail du « monde d’avant » dans les cabinets de conseil n’est pas encore de mise.

Pour preuve, chez Vertone, les règles en cours lors du déconfinement étaient toujours à l’ordre du jour mi-juillet, et les collaborateurs du cabinet ne sont pas contraints ni à revenir travailler au bureau ni à se déplacer chez les clients.

« Nous sommes restés depuis le déconfinement dans le protocole des 4 m2, car la santé des salariés est de la responsabilité de l’employeur. Nous avions réduit la jauge de 130 postes de travail à 62 et c’est toujours le cas », annonce Benoît Tesson.

Le retour à la normale pré-covid n’est pas urgent. Car le fondateur et DG de Vertone tire un bilan plutôt positif du fonctionnement du cabinet en mode confinement tant en termes d’efficacité du travail que d’harmonie et de communication des équipes.

« J’ai même été très surpris de voir comment les quelques recrues qui ont intégré le cabinet pendant le confinement ont su s’adapter à cette situation et commencé à travailler avec nous de façon très agile. La seule chose, c’est qu’ils ont du mal à être identifiés par celles et ceux avec lesquels ils n’ont pas travaillé. »

Le full remote, le new deal ?

The Economist avance le chiffre d’un milliard de télétravailleurs dans le monde d’ici 2035, soit un tiers de la population mondiale active. Une tendance est lancée dans les très grosses entreprises internationales, Google, Spotify, et Twitter prolongent le full remote au sein de leurs entreprises pour plusieurs mois, voire ne donnent pas de deadline pour un retour de leurs collaborateurs dans les bureaux.

Mark Zuckerberg a annoncé il y a quelques semaines la conversion définitive de Facebook au télétravail et l’ouverture des offres de jobs de FB US au remote hiring. Cela fait quelques années maintenant que certaines entreprises, les distributed company, se créent ou se réorganisent dans un mode organisationnel en full remote, en se passant des bureaux traditionnels et en faisant télétravailler 100 % de leurs collaborateurs. Elles s’appellent GitLab, une plateforme DevOps, Buffer, un média social, Automattic, l’entreprise éditrice de Wordpress qui a fermé ses bureaux en 2017. Quelques rares entreprises françaises sans bureau ont aussi franchi le Rubicon : l’agence web Wodhunit ou Plateforms.sh, créée il y a cinq ans dans cet esprit (nous en parlons dans le portrait de Laurent Michel, son nouveau directeur des affaires publiques ici), qui propose des solutions d’hébergement cloud.

« Dès 2014, c’était effectivement possible d’être en full remote, nous disposions de nombreux outils dédiés déjà très performants. C’est un gain de temps majeur. La puissance des outils de visio offre une souplesse incroyable dans l’animation des réunions virtuelles et leurs nombreuses fonctionnalités. Animer une équipe de consultants avec ces outils collaboratifs, cela change la vie », confirme Laurent Michel, qui reconnaît avoir perdu un temps fou à aller aux rendez-vous en présentiel lorsqu’il était consultant chez Bossard et Roland Berger.

Chez Vertone, le confinement rebat les cartes des nouveaux locaux

Mais le full remote est-il envisageable – et souhaitable ! – dans le conseil en stratégie ? Le retour d'expérience des consultants McKinsey après cinq semaine de confinement était très mitigé, comme nous le rapportions ici.

Vertone se veut plus optimiste. Le cabinet a réalisé, à la sortie du confinement, un sondage de retour d’expérience de ces semaines de télétravail forcé auprès de ses quelque 150 consultants et stagiaires consultants.

Avec des résultats plutôt rassurants pour le DG du cabinet : une grande majorité des Vertoniens (70 %) ont bien vécu cette période ; seuls 7 % l’ont trouvée éprouvante. Autres ratios instructifs : plus de la moitié considère que le full remote a un impact positif sur leur efficacité, un tiers pense que cette organisation a des effets bénéfiques sur la qualité même du travail, et près des deux tiers estiment que le travail avec les clients n’en a pas pâti.

De quoi donner du grain à moudre au moulin à idées des dirigeants du cabinet pour une future réorganisation du travail. « Il est clair que cette expérience donne à réfléchir sur l’avenir de nos organisations, car l’attente de développer le télétravail est aujourd’hui clairement affichée : début juin, 73 % de nos collaborateurs souhaitaient continuer à travailler à distance. Mais attention, seulement 29 % aimeraient télétravailler à temps complet, 25 % aimeraient le 50/50 », complète Benoît Tesson.

Finalement, chez Vertone, cette expérience inédite est presque tombée à pic. Le bail du cabinet arrivant à échéance fin 2022, le projet d’élaboration du cahier des charges des nouveaux locaux était déclenché fin février dernier. « Avec 17,5 % de croissance moyenne par an depuis six ans, notre question centrale était avant tout l’extension et l’acquisition de locaux plus grands. La question du télétravail ne faisait alors pas partie de notre réflexion. Il est fort probable que nous arrivions à un cahier des charges bien différent en termes de postes de travail nécessaires et d’aménagement de salles de visioconférences. Nous allons devoir nous réinventer d’un point de vue organisationnel. »

En ira-t-il de même pour le Boston Consulting Group qui annonçait en février son emménagement en 2022 au 75 avenue de la Grande Armée à Paris, à l’adresse de l’ancien siège de Peugeot ? Le cabinet prendra alors place dans 20 500 m² de bureaux et 3 000 m² de services, en lieu et place de son actuelle adresse de la rue Saint-Dominique.

Un modèle adaptable ?

Pour le consultant en transformation managériale Maxime Robache, auteur d’un ouvrage sur le télétravail Mettre en place et manager le télétravail aux éditions Eyrolles, le full remote fonctionne lorsqu’une entreprise est conçue pour cela, et avant tout dans des secteurs bien spécifiques, la tech en particulier où les collaborateurs ont l’habitude d’être seuls face à leurs écrans. « Gouvernance, outils et process doivent être imaginés pour être réalisables à distance. Cela change également la donne pour une entreprise de se positionner comme telle, en annonçant qu’elle ne recrute que des télétravailleurs à 100 %. Tout le monde n’est pas prêt à cela. »

Pour Maxime Robache, les avantages sont pourtant nombreux : économies sur le coût des locaux qui peuvent se répercuter sur des salaires plus élevés pour les collaborateurs, des entreprises naturellement plus résilientes face aux crises, des gains d’efficacité indéniables, de 15 à 20 %, des recrutements possibles sans freins géographiques, des déplacements réduits aux seuls nécessaires, essentiellement chez les clients réfractaires au virtuel ou pour des missions où le présentiel est nécessaire... « Dans l’absolu, cela pourrait s’appliquer à beaucoup de monde, encore faut-il que cela soit souhaitable ! »

Le monde du conseil frileux face au full remote

Une approche partagée par plusieurs dirigeants de cabinets de conseil. Le principal de Kearney, Patrick Rabbat, a partagé récemment sur LinkedIn ses réserves :

« Au cours des dernières semaines, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de faire du télétravail la nouvelle forme de travail dominante pour leurs salariés du tertiaire. Certains se sont même engagés à faire du bureau à domicile la seule forme de travail. Mais la généralisation du #remoteworking comporte certains risques importants à considérer. »

Idem pour le fondateur associé d’Advancy, Éric de Bettignies, qui a lui aussi posté son point de vue. « Le télétravail est un outil fabuleux. Il a été une solution miraculeuse lors de cette crise. S’il va remodeler en profondeur le monde du travail, il ne doit pas se systématiser et éluder certains enjeux de la vie en entreprise. Travail en équipe et interactions constructives font le sens et l’essence de nos métiers. Il en va ainsi avec le digital en général : il est incontournable, mais ne devra jamais supplanter l’humain. C’est un plaisir de partager cette tribune de Bernard Sananes (le président d’Elabe, NDLR) qui s’engage sur le sujet : “Si un jour dans mon parcours j’ai choisi la communication, c’est avant toute pour une raison : j’aime les gens. [...]. Eh bien non, tout cela, malgré tous les progrès de la technologie, désolé Teams, avec ta galerie de douze portraits bien cadrés [...], tu ne peux pas me l'offrir.“ »

Les dangers du tout télétravail sont réels et mis en avant dans le conseil aussi : liens factices des visioconférences et autres outils numériques, dilution des liens, isolement, défauts de collaboration, charge mentale, confusion vie perso-vie pro…

Une nécessaire réorganisation à mener

Du côté de Benoît Tesson, DG de Vertone, la politique du cabinet en matière de télétravail n’est pas encore définie, mais il est certain qu’il faut trouver un juste équilibre, individuellement et collectivement, toujours sur la base du volontariat.

« Pour certains, ce sera un jour par semaine, pour d’autres, trois. Le télétravail à 100 % ne peut s’adapter qu’à des cas particuliers, pour des populations fragiles exposées à des maladies chroniques par exemple qui ont toute leur place dans nos équipes et qui sont sur le pont tout le temps à distance. Nous avons les bons outils, il faut maintenant faire en sorte que tout le monde les maîtrise parfaitement. N’oublions pas que nous sommes un métier d’apprentissage, où les jeunes se forment en regardant travailler les autres », annonce le fondateur et DG de Vertone, Vendéen de cœur, qui va lui-même possiblement passer de deux jours de télétravail par mois à quatre ou six.

Enfin, le full remote n’est pas, dans le secteur du conseil, qu’une décision entre l’entreprise et ses salariés. C’est un triumvirat avec un acteur clef, le client, comme le rappelle Benoît Tesson : « Nous ne pouvons pas raisonner uniquement entre Vertone et le télétravail, car nous devons aussi nous adapter au client et à sa philosophie dans ce domaine. Certains sont prêts à travailler davantage à distance avec nous, mais d’autres tiennent au présentiel. »

Barbara Merle pour Consultor.fr

Advancy Boston Consulting Group Roland Berger Éric Bach Éric de Bettignies
Barbara Merle
23 Jul. 2020 à 05:03
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commentaires (2)

Taouil-Traverson
22 Sep 2020 à 11:21
Bonjour, je trouve un sondage sur un mode de travail forcé dans des conditions un peu particulières est faussé. Alors tirer des conclusions sur cette base et en faire des enseignements est un peu "short-cut". Je fais du télétravail depuis des années alors que j'étais dans un grand groupe avec un bon nombre de collègues ceci n'a jamais été un problème. A contrario je dirais que l'absence de culture du télétravail et se trouver obligé du jour au lendemain à en faire a été un réel challenge. Je suis pour le déploiement de l'agilité et donc des salariés autonomes qui décident du mode le plus approprié. C'est quand même ahurissant que des cabinets qui prônent l'agilité ne supporte le libre choix des consultants. Merci d'avoir amener le sujet à la discussion

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Témoignage
23 Jul 2020 à 10:10
De notre côté de très bonnes expériences en télétravail avec même des missions effectuées en 100% remote sans jamais avoir vu les clients... et ce sans dégrader la qualité de l'intervention... voire même de belles surprises et découvertes forcées par une approche plus digitale !

Entre full remote et 0 remote la solution ne serait-elle pas une intelligence des situations entre ce qui nécessite vraiment la présence physique (lancement de projet, séminaires et événements clés, longues réunions de travail en équipe) et ce qui ne le nécessite plus (entretiens one-to-one, réunion de travail ponctuelle, production d'analyses, nocturnes...).

Le marché du travail évolue tout comme les attentes des employés et des diplomés. Le marché du conseil devra s'adapter s'il souhaite maintenir son attractivité face aux start-ups et autres 'mastodontes de la tech' où les salaires rivalisent avec ceux du conseil... avec un rythme de vie plus équilibré !

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