« Acting as » : tremplin à promotion (et rustine à staffing)
Staffer un consultant un niveau au-dessus de son grade : si le « acting as » est connu dans le secteur et a pu être utilisé pour préparer les promotions ou boucher les trous de staffing, il est désormais jugé trop risquée vis-à-vis des consultants, et complètement insensé vis-à-vis des clients s’il devait servir à faire monter les honoraires.
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C’est un de ces anglicismes dont le secteur du conseil est friand : « acting as ». Son principe est simple : staffer sur un projet un consultant au-dessus du grade auquel il est en fonction au sein du cabinet.
Tout le monde en a plus ou moins entendu parler ou a croisé la pratique au cours de sa carrière de consultant : « Il y a 15 ans dans de précédentes maisons, je l’entendais beaucoup », se souvient Florent Berckmans, partner Strategy & Operations chez Eight Advisory.
« Tout le monde voulait être “acting as” et pouvoir démontrer qu’il était “prêt” pour le niveau suivant. C’était un tremplin pour être promu », s’amuse a posteriori Thierry Quesnel, senior managing director chez Publicis Sapient Strategy Consulting qui a collaboré par le passé chez Kearney, Roland Berger et Bain.
Certains l’ont même expérimenté ponctuellement. C’est le cas d’un partner qui a souhaité rester anonyme sur ce point. « On m’a demandé de jouer un rôle de manager alors que j’étais senior consultant. Personnellement, j’étais content de le faire, car cela m’a permis d’être promu un peu plus rapidement », dit-il.
Sur les forums, des consultants anonymes, eux aussi mis dans ce rôle par leur employeur, se plaignent d’économies de bout de chandelle (staffer un consultant à un grade inférieur, moins coûteux pour le cabinet) ou de pratiques RH qui consistent à faire miroiter un grade supérieur sans concéder de promotion dans l’immédiat.
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Si, en théorie, le staffing est une machine froide d’offre qui fait coïncider des consultants disponibles avec des missions vendues, les consultants disposent de différents leviers, plus ou moins formels, pour se positionner au plus près des sujets qui les intéressent.
Pénurie de talents et besoin de reconnaissance
Pour Thomas Chèvre, le fondateur de Strategia, plusieurs raisons expliquent l’existence du « acting as » dans le conseil : « D’une part, une pénurie de talents à certains grades, manager, principal, partner… D’autre part, une volonté de développer les talents émergents dans un métier où le titre a une valeur importante. »
Le « acting as » peut encore aujourd’hui ponctuellement être utilisé, à entendre nos interlocuteurs. « Pour de rares staffings tendus, on peut demander à un senior consultant de gérer une petite équipe. Mais c’est ultra marginal », estime un partner qui a requis l’anonymat sur ce point.
Sur l’existence effective de la pratique, les témoignages s’arrêtent là, voire suscitent une certaine gêne. « Ce n’est pas notre modèle et cela voudrait dire ne pas tenir notre engagement auprès du client, on ne peut prendre ce risque et jouons la transparence sur les grades dès la proposition commerciale », estime Florent Berckmans chez Eight Advisory.
Faire passer des vessies pour des lanternes
Les clients sont la première raison pour laquelle le ratio bénéfices/risques est défavorable au « acting as ». À commencer par les cabinets qui chercheraient à augmenter leurs marges en staffant des consultants seniors à la place des managers facturés aux clients. Cas de figure très théorique tant s’y essayer à ce niveau de prestation reviendrait à se tirer une balle dans le pied.
« Comment est-ce qu’un client pourrait vous faire confiance pour le conseiller sur des décisions d’investissement critiques si vous ne positionnez pas votre équipe à leur grade réel ? C’est néfaste tant du point de vue du client que de l’équipe. Le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle », témoigne Thomas Chèvre.
A fortiori, les clients sont loin d’être naïfs, se connectent à LinkedIn comme tout le monde, et demandent même les CV des consultants staffés dans certains cas. « Certains clients corporate s’inquiètent avant le démarrage de la mission du manager qui leur sera attribué. Si c’est un senior consultant repeint en manager, cela ne passera pas, surtout qu’il n’est pas rare que le manager soit présenté de visu en réunion au démarrage de la mission », raconte Stéphan Bindner, partner leader chez EY-Parthenon.
Un autre risque inhérent au « acting as » concerne les consultants eux-mêmes. « On prend le risque de griller des gens que nous avons mis 3 à 5 ans à former », estime Stéphan Bindner. De plus, les grades supérieurs peuvent mal le prendre : « Avec le “acting as”, on envoie aussi le message que le travail d’un manager peut être fait par un consultant senior », complète Florent Berckmans.
« Acting as » : un outil RH ringard
Pour toutes ces raisons, de transparence tant en interne qu’à l’externe, tous ne trouvent de l’intérêt au « acting as » qu’en tant qu’outil RH en amont d’une promotion envisagée. « Tous ceux qui ont réussi ont été mis en situation avec de nouveaux challenges lors de leur promotion », juge Thomas Chèvre, chez Strategia.
Mais, disent nos interlocuteurs, la pratique aurait été passablement ringardisée par des pyramides davantage cadencées (plus de grades ou de sous-grades) et des montées en compétences plus progressives et accompagnées à chaque grade.
« Un senior consultant ne devient pas par magie manager dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. À un senior consultant performant, un manager va donner progressivement davantage de responsabilités en particulier sur l’organisation interne comme le planning d’une mission », contextualise Florent Berckmans.
Moins d’« acting as », mais plus d’accompagnement : telle est la logique qui semble prévaloir. « Au moment du staffing, on alloue 10 % du temps d’un senior manager++ pour coacher les nouveaux managers et les aider à régler les sujets les plus difficiles », indique par exemple Stéphan Bindner. « Un parcours clair crée plus de réussite sur le long terme, là où le “acting as” génère des mythes positifs et négatifs », estime pour sa part Florent Berckmans.
Quitte à refuser des missions faute de managers à staffer. Un taux de refus dont plusieurs cabinets nous indiquent qu’il est de l’ordre de 20 à 30 % des demandes à l’heure actuelle. Signe que le marché du conseil en stratégie reste très dynamique.
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