Bad buzz : McKinsey cherche un pompier pour nettoyer sa réputation
Le cabinet de conseil a lancé un appel d’offres pour protéger sa réputation. Consultor a interrogé plusieurs de ces agences pour déterminer ce qu’elles pourraient faire si elles étaient retenues.
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Lancé le 2 novembre dernier alors que deux années de polémiques sur le cabinet retombaient dans l’opinion, cet appel d’offres tombe finalement au pire moment. Le Parquet national financier annonçait jeudi 24 novembre 2022 avoir ouvert plusieurs informations judiciaires sur les liens entre McKinsey, les cabinets de conseil plus largement, et Emmanuel Macron pour « favoritisme » et « tenue non conforme de comptes de campagne ». Un contexte pour le moins difficile pour soigner sa réputation.
C’est dans ce contexte que La Lettre A (voir l’article ici) s’est procuré un document de 15 pages signé par la directrice de la communication de McKinsey, Charlotte Pasternak, une ancienne de Danone (dont McKinsey est un consultant de choix) et du PMU (dont la DG est également une ancienne du cabinet). Il indique que ce marché doit être attribué avant la fin du mois de décembre. Contactée, Charlotte Pasternak n’a pas répondu aux messages de Consultor.
Objectif pour les cabinets sollicités, qui ont jusqu’au 5 décembre pour répondre : « infléchir la perception de McKinsey en ligne », notamment dans les résultats Google et sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia, identifier des influenceurs bienveillants, réseauter auprès de relais d’opinion, exploiter plus intensivement les réseaux sociaux de la firme en France, ou encore de faire mieux connaître « les contributions positives à la société française ».
Toujours dans cet appel d’offres, un « conseil de positionnement » est également attendu à destination de la partner Clarisse Magnin-Mallez, et les consultants devront être incités à « relayer le rayonnement » de la firme en France, sur les réseaux sociaux notamment.
Un rayonnement qui devra être d’autant plus actif que, dans ce même appel d’offres, le cabinet s’attend à rester « sous le feu des projecteurs dans les mois à venir ».
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Tous les cabinets affichent une batterie d’outils et de comités dédiés ad hoc.
Pourtant, les scandales s’accumulent. Une invitation à muscler encore leurs dispositifs de prévention. D’autant plus que la loi se fait pressante.
Si McKinsey se tourne cette fois-ci vers une agence de communication, le cabinet veillait déjà aux grains quant à sa réputation, mais par d’autres moyens. Ainsi, lorsque la commission d’enquête du Sénat révélait que son contrôle sur pièce à Bercy indiquait que McKinsey n’avait pas payé d’impôts sur les sociétés depuis 10 ans, les avocats du cabinet veillaient activement – y compris auprès de Consultor – à ce que les termes de fraude fiscale ne soient pas employés. Ils insistaient sur le fait qu’il s’agissait tout au plus d’une optimisation fiscale dans les règles, et que le cabinet était à jour de ses obligations vis-à-vis du fisc français.
Interrogées par Consultor, plusieurs agences parisiennes spécialistes de la communication de crise ont indiqué ne pas avoir vu l’appel d’offres ou alors ne pouvoir rien en dire. « Ce sera Image7, Havas ou Publicis », dit anonymement un premier patron d’agence de communication de crise. Pourtant, interrogées par Consultor, des sources chez Image7 ont indiqué que l’agence n’interviendrait pas pour McKinsey comme elle est déjà au service de la communication de Bain et Capgemini, ce qui la mettrait en situation de conflits d’intérêts.
Pour Florian Silnicki, le fondateur d’une autre agence de communication de crise, LaFrenchCom, l’entreprise retenue devra inverser le retournement d’image que subit McKinsey depuis 2 ans en France. « Que ce soit pour des clients publics ou privés, McKinsey, qui était vu comme l’étoile de la profession, est à présent vu comme un risque réputationnel », avance-t-il – ce qui n’empêche pas le cabinet de faire croître son chiffre d’affaires en France.
« McKinsey poursuit une stratégie de communication erronée en opposant du silence et une fin de non-recevoir aux interrogations légitimes des Français, sauf dans des interviews maladroites », estime également Florian Silnicki.
Quelle que soit l’entreprise retenue, cet appel d’offres est quelque peu en contradiction avec la confiance affichée par la même Clarisse-Magnin (qui multiplie les interviews récemment) dans les colonnes des Échos le 24 novembre. Si elle concédait que le cabinet a dû répondre à des questions sur ce sujet, elle y indiquait que le bureau de Paris avait reçu 12 000 CV en un an, un chiffre en hausse (le patron monde parlait lui d’un million de candidatures dans le monde dans les colonnes du FT). A fortiori, disait-elle, le taux d’acceptation des offres, c’est-à-dire la part des candidats qui décident de venir chez McKinsey alors qu’ils ont des offres de nos concurrents, est à 92 %, en hausse de 2 points sur un an.
En attendant, Politico avançait en fin de semaine que McKinsey ne se positionnerait pas sur le prochain marché-cadre de la Délégation interministérielle à la transformation publique (DITP), dont le gouvernement a changé marginalement les règles et plafonné le montant.
Le site confirmait en cela une information du Canard Enchaîné du 19 octobre selon laquelle la direction mondiale avait d’ores et déjà décidé d’en finir avec le secteur public en France. Pour 5 % ou moins de chiffre d’affaires, 100 % des emmerdes : le secteur public aurait été jugé franchement pas rentable. Surtout que ce marché concentrait sur le dernier quinquennat les missions les plus exposées politiquement : au ministère de l’Éducation nationale sur les enseignants, sur la réforme des retraites, sur les APL, sur le plan de relance au ministère de l’Agriculture, sur une aide fiscale pour les outre-mer au ministère de l’Intérieur. Ne plus intervenir sur le marché DITP, c’est s’éloigner de ces potentielles expositions politiques.
Mais McKinsey s’éloigne également de marchés publics plus confidentiels, tels que celui du ministère de la Défense – plus discret par nature, car les missions sont couvertes par le secret défense.
Ainsi, McKinsey, qui avait été retenu en 2018 sur un précédent marché pluriannuel de conseil au ministère de la Défense – quoiqu’il n’avait jamais conduit une seule mission à ce titre –, ne s’est pas positionné lors de son récent renouvellement.
Si aucun retrait formel du secteur public n’est encore assumé publiquement par le cabinet, de fait il a lieu. Et ce même si McKinsey a tout de même récemment été retenu sur le marché de la centrale d’achats du secteur public ; mais en position secondaire et avec peu de chances de réaliser effectivement une mission.
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