Baromètres d’ambiance : à quoi bon ?
La démarche de mesure du climat social peut s'avérer utile à condition d'éviter une forme de « managérite » et de ne pas rester lettre morte.
Baromètres internes de « climat social » ou de « satisfaction du personnel ». Ils portent des noms divers, mais désignent tous des baromètres d’ambiance. Ces derniers se sont assez largement répandus au sein des cabinets de conseil.
Ces sondages internes anonymes et confidentiels se sont cependant développés de façon extrêmement diversifiée en fonction, la plupart du temps, de la taille de l'entreprise. Les objectifs poursuivis peuvent être de diverses natures.
Pour les dirigeants des cabinets ou les RH, c’est une façon de recevoir des avis sans filtres de la part des collaborateurs. Mais les baromètres d’ambiance peuvent aussi servir à montrer aux consultants, avant tout les juniors, qu’ils ont leur mot à dire sur le fonctionnement interne du cabinet. Le principe de l’anonymat permet ainsi de s’exprimer sans avoir peur d’un retour de bâton de la hiérarchie.
Objectif commun : ces baromètres sont vus comme un moyen de prendre le pouls des collaborateurs à un instant T.
Un baromètre interne ? Merci, mais non merci
Ce qui ne veut pas dire que tous les cabinets en ont un. Dans certains d'entre eux, le baromètre d’ambiance n’est tout simplement pas considéré comme une priorité dans l’approche managériale. Corporate Value Associates et Cepton ont ainsi fait le choix de ne pas en mettre en place au sein de leurs équipes. Cylad, après un essai en 2017, a décidé de ne pas reconduire une opération jugée peu efficiente.
Kea & Partners, et ses 150 collaborateurs en France, se positionne un peu différemment puisque la direction ne réalise pas de baromètre interne, mais a opté depuis 2016 pour l’enquête Happy at work for starters réalisée annuellement auprès des collaborateurs de moins de 29 ans par le site choosemycompany.com.
Un choix très clair pour Sylvie Jaulin, directeur acquisition et développement des talents et compétences : « Trois raisons ont guidé notre choix : permettre aux plus jeunes de nos consultants de s’exprimer sans retenue, chiffrer les éventuels points à améliorer, mettre en avant nos résultats dans le cadre de notre communication pour le recrutement et de la marque employeur. »
Éviter les usines à gaz
Chez Ylios a été mis en place, depuis deux ans seulement, un outil simple pour tester le moral des troupes au quotidien : une mesure instantanée du bien-être intégrée à l’agenda partagé du cabinet, sous forme d’émoticônes rouges ou verts. Cet outil permet aux collaborateurs de s’exprimer sur le vif et en temps réel.
Pour Fabrice Catala, partner, ce sondage est largement suffisant. « Nous sommes une PME de quarante personnes et parmi la panoplie des baromètres proposés, aucun ne nous correspondait. Cet outil nous permet d’avoir une visibilité sur le ressenti des collaborateurs tout le temps, de voir les effets de saisonnalité, et de libérer une forme de parole. » Un indice de satisfaction des consultants chez les clients, en temps réel via une application, a parallèlement été mis en place.
Ce n’est pas la taille qui compte
La taille est donc très importante dans la définition des outils de mesure de l’ambiance. Pour autant, les cabinets de taille intermédiaire ne manquent pas d’ambition sur le sujet. Ares & Co, créé il y a dix ans, a intégré en 2011, pour ses quarante consultants, un baromètre annuel de satisfaction.
Un questionnaire anonyme constitué de cinquante questions fermées et ouvertes, regroupées par catégories, qui porte aussi bien sur les conditions de travail, la vision partagée de l’ambition du cabinet que sur l’intérêt des missions. Pour le cabinet, ce baromètre est un moyen supplémentaire de distiller une culture managériale de proximité – et d’appliquer des correctifs si des cafouillages se font jour.
« Nous n’avons jamais été réellement surpris par les résultats. Ils sont le reflet d’une réalité que nous mesurons au quotidien. D’abord du fait de notre taille, mais aussi de notre culture de la transparence et de la forte proximité du management avec les consultants », analyse Mehdi Messaoudi, son chief operating officer.
Démultiplication des baromètres
Dans les plus gros des cabinets, la tendance est à la multiplication de ces outils. A.T. Kearney, par exemple, mesure le bien-être de ses équipes via un baromètre annuel depuis une dizaine d’années. Depuis 2018, il est même devenu semestriel sur des sujets aussi divers que la stratégie, la croissance, la communication, le role model, la diversité, le sentiment d’appartenance, le développement, la gestion de la performance…
Idem chez Bain qui est plutôt précurseur sur le sujet puisque ce cabinet mesure la satisfaction interne depuis vingt-cinq ans. Il y a d’abord l’enquête générale annuelle, la Worldwide Employee Survey, un baromètre adressé à chaque salarié partout dans le monde, tous métiers et toutes fonctions confondus.
« Depuis cinq ans, le bureau de Paris a choisi de compléter cette enquête mondiale par deux autres enquêtes locales pour une réactivité optimale. Nous avons également un baromètre hebdomadaire sur les projets clients, la Case team Survey, qui vise à améliorer l’expérience en termes de résultats, d’apprentissage et d’équilibre professionnel/personnel », précise Séverine Leca, directrice talent.
Baromètres mondiaux, locaux, projets… et bientôt un dernier-né mensuel qui va être mis en œuvre pour les fonctions support. Cinq personnes au niveau mondial sont totalement dédiées à l’analyse et à l’animation de toutes ces données, ainsi que les équipes talent locales.
Des résultats bien secrets
Force outils donc. Quant à leurs résultats, circulez ! Séverine Leca de Bain indique que les résultats de ces baromètres sont « en évolution très positive depuis cinq ans » et qu’ils jouent un rôle pour « renforcer notre mobilisation sur des thèmes prioritaires comme l’apprentissage et la formation sur des sujets d’innovation, le renforcement de la qualité de vie au travail, l’intégration de profils diversifiés ».
Et le cabinet veut croire que ces outils n'y sont pas pour rien dans les bons résultats de Bain dans le classement Best places to work de Glassdoor en 2019, dont il est numéro un pour la quatrième année consécutive.
Seuls les résultats de Kea & Partners sont publics puisque l’enquête Happy at work for starters est publiée chaque année en juin par le journal Les Échos et le site choosemycompany.com. En trois ans de participation, le cabinet est toujours présent sur le podium… et rendez-vous le 20 juin prochain pour les résultats 2019.
Vrai baromètre ou lettre morte ?
Fabrice Catala d’Ylios voit lui des limites à de telles enquêtes de satisfaction et à leur démultiplication. « Il existe une tendance où l’on en use et l’on en abuse, y compris chez nos clients. Il y a un côté trop marketing. Ces baromètres constituent-ils des outils réels d’alerte ? La question mérite d’être posée. Peut-être est-ce le cas pour un certain nombre de problèmes qu’on voit arriver plus vite », défend-il. Mais pour lui rien ne vaut un système interpersonnel de tutorat dans la vraie vie et un dialogue serré et permanent.
En clair, l’outil mis en place au sein du cabinet lui suffit et il n’ira pas plus loin. Idem pour Kea & Partners qui n’a pas non plus l’intention d’opter pour un baromètre interne sur mesure.
L’idée est in fine de ne pas multiplier les outils, mais de capitaliser au maximum sur les résultats (secrets donc) apportés par l’existant. Chez Parthenon-EY, ces résultats sont scrutés comme « le lait sur le feu », selon Guy-Noël Chatelin, partner.
Et des réponses sont très vite apportées aux chiffres qui alertent. Au point de constituer des équipes dédiées de volontaires chargés de proposer des actions sur les problématiques apparaissant les plus urgentes.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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