Chez Malt, Alexandre Fretti, l'homme pressé qui vise le milliard
Il est passé par la case conseil un peu par hasard. Alexandre Fretti, consultant chez Kurt Salmon (2003-2005), puis senior consultant chez McKinsey entre 2005 et 2007, a rapidement bifurqué vers le monde des start-up.
D’abord, chez Webhelp, le spécialiste de la relation client et depuis quelques semaines, chez Malt, où il vient d’être nommé managing director (ici). À 39 ans, Alexandre Fretti est un homme pressé, toujours en quête de nouveaux challenges.
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Le monde du conseil était sans nul doute un univers trop feutré pour celui qui a l’entrepreneuriat dans le sang, et plus particulièrement l’aventure exponentielle des start-up.
Avec Webhelp, qu’il rejoint en 2006 après une dizaine de mois chez McKinsey, Alexandre Fretti découvre, à 26 ans, les « jeunes pousses » et une histoire à écrire. Entré comme directeur de compte de cette entreprise alors qu’elle réalisait 30 millions de CA et comptait une trentaine de collaborateurs à Paris, « un poste que je ne pouvais pas avoir ailleurs », il découvre « le meilleur des mondes ». Avec des pointures venant du conseil (les fondateurs Olivier Duha et Frédéric Jousset sont des Bainies), un challenge intellectuel et opérationnel permanent à la clé. Depuis, le chiffre d’affaires de Webhelp, dont il est devenu le DG Franceen 2016, a explosé, en passant à 1,5 milliard d’euros aujourd’hui, faisant de cette start-up l’une des quelques licornes que compte la France.
L’homme, toujours dans les starting-blocks d’un nouveau challenge, vient d’accepter d’endosser la fonction de DG de Malt, plateforme européenne de freelancing, avec « pour objectif d’accélérer la croissance de Malt en France et en Europe et d’atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2024 ».
Il se distingue aussi, depuis plusieurs années déjà, parmi la crème des jeunes leaders. En 2017, il a reçu le Grand Prix des Next Leaders Awards, mettant en lumière les leaders de la nouvelle génération de dirigeants. Il est aussi régulièrement bien placé dans le classement Choiseul des 100 leaders économiques de demain (ici).
Chez Kurt Salmon, la restructuration d'une grande banque algérienne
Pourtant, Alexandre Fretti admet bien volontiers que le début de son parcours s’est plutôt réalisé à l’aune de non-choix. Issu d’une famille d’ingénieurs, comme son père (qui a été fonctionnaire dans des délégations régionales du ministère de l’Industrie) et son frère, Alexandre Fretti dit choisir le conseil « par défaut ».
« C’était alors le boum des télécoms en 2000, la bulle avait explosé, c’était aussi un secteur très bien rémunéré. Mon entrée à Télécom Bretagne s’est faite au gré des résultats des concours. » Au sortir de cette école d’ingénieurs, il intègre Kurt Salmon comme consultant. D’après lui, un deuxième non-choix ! « Je n’ai jamais souhaité être dans un métier technique, mais business. Et le cursus d’ingénieur n’y prépare pas bien. J’ai donc postulé sans grande conviction. » Il rentre ainsi dans le cabinet de conseil comme consultant junior… et c’est le déclic !
« J’y ai vu tout de suite les avantages : travailler sur différentes industries, à l’international. » Un cabinet pour lequel il se penche essentiellement sur des missions d’ordre organisationnel, à l’exception d’une seule mission « pure strat » de trois mois en Algérie. « Cela concernait la restructuration d’une grande banque algérienne et la seconde était pour l’AIFE (Agence pour l’informatique financière de l’État), où il était question d’étudier combien de fonctionnaires il était possible “d’économiser” et si son système d’information était pertinent. »
Au bout d’un an et demi, le jeune loup a déjà des fourmis dans les jambes. « J’aime beaucoup ce métier de consultant, et particulièrement la strat, alors autant le faire dans un grand cabinet ! »
Au bagou chez McKinsey
Alors, pour ne pas rater le coche, le jeune consultant de 24 ans postule dans tous les grands cabinets de conseil en stratégie et intègre le premier qui dégaine une offre : McKinsey.
Un exploit pour celui qui ne sort pas de l’une des grandes écoles « cibles » ? Il s’en amuse lui-même… « C’est une très bonne question ! Les critères concernant les écoles sont effectivement très stricts pour les jeunes diplômés, mais j’avais déjà une première expérience, la mission algérienne, et je les ai convaincus lors des six entretiens ! »
Il va y rester une dizaine de mois entre 2005 et 2006, y montera en grade, atteindra celui de senior consultant. Alexandre Fretti va ainsi découvrir des missions de strat pure, de réduction de coûts, de lean management, de M&A…
Avec en mémoire particulièrement l’une d’entre elles, à Zurich, pour Adecco, avec à la tête un manager allemand, et une équipe composée d’un Indien et d’une Italienne. « Lors de la première réunion, cette manager nous a dit que ce qui comptait pour lui, c’était un bon life style, que si l’on pouvait dormir trois heures par nuit, c’était bien ! Effectivement, je partais prendre mon avion les lundis matin à 4 heures, et je rentrais les jeudis soir à 23 heures. Pourquoi m’infliger des choses pareilles ? Je me suis alors dit que c’était une école fantastique, mais que je voulais être décisionnaire de mes choix. » Il fait également très rapidement un constat : l’envie d’être dans le fauteuil du client plutôt que dans celui du partner. L’heure du choix avait sonné…
Quand tout McKinsey s’en va chez Webhelp...
Alexandre Fretti se positionne alors auprès du Comité d’organisation des JO de Paris 2012. Un objectif avorté puisque la ville de Paris a perdu la bataille… Mais le consultant ne se considère pas vaincu pour autant. Un consultant de McKinsey, l’engagement manager Julien Trotta, venait de quitter le cabinet pour rejoindre Webhelp comme directeur des opérations. Cette entreprise, créée en 2000 par deux anciens consultants, Olivier Duha (L.E.K. Consulting (1993-1997), Bain (1998-2000)), et Frédéric Jousset (Bain (1999-2000)), est spécialisée dans l’externalisation de la gestion de l’expérience client et des processus métier.
Chez McKinsey à Paris, ils sont plusieurs à être courtisés. « Nous avons tous reçu un mail et cinq consultants du cabinet sont partis chez Webhelp la même année. Je ne connaissais ni la boîte ni le secteur, mais j’avais envie de rencontrer les fondateurs. Et j’ai décidé de sauter le pas sur la base de ces rencontres pour écrire une histoire assez dingue… »
Il arrive comme directeur de compte et participe à la transformation de cette PME en licorne française en quelques années seulement. Il y réalise, entre autres, un projet d’intrapreneuriat en lançant le concept de slides Webhelp Office et la filiale de Webhelp, Netino, avec des équipes et une usine de production de slides en Roumanie.
... et fait travailler McKinsey chez Webhelp
« Webhelp était une petite société devenue grande, où on a vécu un changement d’actionnaire, de la croissance externe, et pour laquelle nous avons fait travailler McKinsey sur son 4e cycle d’investissement en 2016 pour aboutir à une valorisation de 2,4 milliards d’euros. Jusqu’alors, Frédéric et Olivier travaillaient plus avec Bain, ils avaient eu une mauvaise expérience avec McKinsey… »
En 2016, à 35 ans, il décide de faire un « break utile » de deux mois en partant pour Stanford effectuer un MBA. « Un environnement entrepreneurial incroyable avec des rencontres inoubliables, comme l’ancienne secrétaire d'État de George Bush, Condoleezza Rice. »
Un temps qu’il met aussi à profit pour imaginer sa vie après Webhelp. Le départ se matérialisera finalement tout récemment, quand il annonce en mai qu’il quitte ses fonctions.
« Il y avait un nouveau cycle de croissance à venir, mais j’avais au fond de moi une petite musique lancinante… J’ai eu l’occasion de rencontrer l’un des fondateurs de Malt (une plateforme de freelances créée en 2013 par Vincent Huguet (CEO) et Hugo Lassiège (CTO). Et j’ai vite vu que le marché était potentiellement dix fois plus important. C’est une offre disruptive qu’il faut faire exploser. J’ai mis dix jours à me poser les bonnes questions. 90 % des décisions chez Webhelp étaient derrière moi, j’étais dans une certaine forme de confort et j’avais envie de reprendre des risques. Chez Malt, tout est à construire pour écrire une histoire au moins aussi belle que celle de Webhelp ! »
Avec Malt, qui affirme référencer actuellement 200 000 freelances, il entre sur un marché du freelancing en plein boum, estimé à 300 milliards d’euros pour la seule Europe, un modèle qui séduit de plus en plus d’entreprises, accompagné par l’explosion des plateformes, y compris dans le secteur du conseil en strat, dont nous parlions récemment ici et ici. Il y rejoint un autre McKinsey, Quentin Debavelaere, COO de Malt depuis 2015, junior associate, associate, puis junior engagement manager chez McKinsey entre 2009 et 2015.
La casquette de consultant n'est jamais loin
Depuis 2012, l’entrepreneur Alexandre Fretti s’implique parallèlement comme business angel dans plusieurs start-up : Storyzy (classification de sources pour lutter contre la désinformation),SmArtapps(médiation digitale culturelle), Softcorner (revente de logiciels entre entreprises), Eventmaker (gestion d’événements), Fitle (cabine d’essayage virtuelle en ligne), Calicea (solutions anti-rides)... Une histoire de rencontres – toujours ! – avec des fondateurs convaincants dans leurs domaines, la santé, le retail, l’événementiel, et même l’art ! Il y revêt quelque part sa casquette de consultant. « C’est un mix de business et de conseil et j’adore me confronter à de nouvelles problématiques et à la résolution de problèmes complexes. Un rôle de problem solver avec mon bêtisier des erreurs à ne pas commettre… »
Le nouveau DG de Malt est aussi investisseur et membre du board de Breega Capital depuis 2019, une société de capital-risque de 250 M€ de chiffre d’affaires, qui investit dans les start-up technologiques européennes les plus prometteuses.
Son métier de consultant n’est donc jamais bien loin, avec des qualités essentielles pour le monde de l’entreprise, et particulièrement celui des start-up. « Le conseil est une très bonne école. J’ai appris dans le conseil à travailler vite, bien et beaucoup. Vite, car sur des missions courtes, nous avons toujours la pression du temps. Bien, avec l’importance de la forme comme du fond. À la différence des ingénieurs pour lesquels le fond prime sur la forme, les consultants sont très challengés sur la forme. Beaucoup, bien sûr, avec un rythme de travail très intense, des soirées et des week-ends perdus. »
Avec une différence majeure cependant entre le fauteuil de consultant et de chef d’entreprise : la prise de décision. Pour l’ex-senior consultant, nombre de consultants n’ont ainsi pas d’avenir entrepreneurial. Ils n’ont tout simplement pas le profil…
« Les profils de consultants qui réussissent, ce sont ceux qui ont à la fois des capacités analytiques fortes et de synthèse dans les messages en interne comme en externe – ce qui n’est pas bien enseigné dans les écoles –, sont à l’aise avec les chiffres, ont de la réactivité. Quand on ne décide pas rapidement, on génère de l’improductivité et de l’inefficacité. La rapidité d’une décision est souvent plus importante que sa justesse. Nous savons tous que choisir, c'est renoncer. Alors, parfois, on hésite à faire ce choix. On va alors temporiser, essayer de gagner du temps, fermer les yeux en attendant que le problème se résolve de lui-même, mais c'est terriblement contre-productif. » Les outils appris dans le conseil, il les utilise encore, puisqu’il n’hésite pas à recruter ou à recommander des consultants dans les entreprises qu’il dirige. Webhelp est sur ce point un véritable vivier d’anciens consultants.
Par Barbara Merle pour Consultor.fr
Pourquoi avez-vous souhaité faire venir le consultant Alexandre Fretti chez Webhelp ?
Nous avons, dès les premières années de création de Webhelp, recherché des profils de haut potentiel, analytiques et polyvalents ayant le goût du risque et du challenge. Alexandre avait ces caractéristiques et ces qualités. Il a une forte capacité d’adaptation, il sait bien s’entourer, et se faire aimer. Il est aussi curieux, toujours à la recherche de l’axe de différenciation.
Quelles sont ses qualités d’homme et de consultant ?
Il aime séduire et aime être aimé. C’est un avantage fort dans une industrie de service, B2B, très people intensive. Il aime convaincre et il a de l’énergie à déployer pour arriver à ses fins. Alexandre a un profil assez équilibré : analytique et manager, pragmatique et visionnaire.
Qu’est-ce que le consultant a apporté à cette entreprise ?
De la rigueur, de la discipline, de l’excellence. Une forte énergie créative, et une envie débordante d’être le premier de la classe.
Quel a été son rôle, selon vous, dans le développement exponentiel de Webhelp ?
Alexandre a été un de nos leaders charismatiques qui a permis à Webhelp de se hisser à la première place du podium en France. Je regrette qu’il n’ait pas poursuivi dans une carrière plus internationale chez nous. Webhelp est aujourd’hui une entreprise internationale et Alexandre aurait pu en profiter pour élargir ses domaines de compétences au-delà de nos frontières.
Propos recueillis par B.M.Un tuyau intéressant à partager ?
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