Covid-19 – Recrutements : le conseil tire le frein à main
Candidatures gelées et prises de fonctions décalées : nombre de cabinets ont coupé net leurs recrutements renvoyant tous les candidats au mois de septembre.
Seuls quelques-uns poursuivent les process à distance : ce qui ne va pas sans nouveaux défis pour les candidats et sans quelques aménagements sur le déroulé habituel de ces interviews.
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Lundi 16 mars au soir, avant même les nouvelles annonces de resserrement des règles de confinement des Français, les cabinets de conseil parisiens fermaient à double tour les portes de leurs bureaux.
Au BCG par exemple, rue Saint-Dominique, si le télétravail a été généralisé pour les consultants dès la semaine du 9 mars, il est devenu obligatoire pour tous le 16 mars – nombre de consultants avaient d’ailleurs gagné un point de chute familial en province.
Idem chez EY-Parthenon, tout le monde travaillait depuis chez soi lundi.
Ici comme ailleurs dans le reste de l’économie, la réorganisation est aussi soudaine que brusque. Et exige des cabinets qu’ils s’adaptent en interne. Vis-à-vis de leurs clients, mais aussi des nombreux candidats qui chaque année à Polytechnique, aux Mines, à CentraleSupélec, aux Ponts, à HEC, à l’ESSEC et à l’ESCP, notamment, tentent d’y démarrer leur carrière.
Ce qui n’est pas un petit sujet tant les cabinets sont habituellement assaillis de CV. L’ensemble des cabinets suivis par Consultor cumulait environ 500 recrutements de juniors par an en 2018, certes dans un contexte de forte croissance.
« Tous les cabinets pour lesquels j’étais en piste ont gelé leurs recrutements »
Mais à contexte exceptionnel, coup de frein exceptionnel : les étudiants en cours de process de recrutement dans l’un ou l’autre des cabinets interrogés pour cet article font tous le même constat.
« Tous les cabinets pour lesquels j’étais en piste ont gelé leurs recrutements et ont indiqué que les process reprendraient en septembre », dit un étudiant à l’Edhec. Un constat qui, selon les informations de Consultor, vaut aussi pour plusieurs autres cabinets avec des dates de report variables : Kearney (report de certains entretiens à avril), Roland Berger et Monitor (le cabinet a jugé qu'il était trop tot pour réagir à nos sollicitations mais plusieurs candidats en cours de process font état de reports) .
Plusieurs cas de figure s’appliquent. Les étudiants qui n’avaient fait qu’envoyer des CV : dans le meilleur des cas, on les informe que la poursuite du recrutement interviendra au mieux en avril et probablement plus tard. Dans les pires des cas, plus de son et d’image, les étudiants n’ont plus aucune nouvelle des cabinets auxquels ils avaient adressé leur candidature.
Autre traitement pour ceux qui avaient déjà été contactés ou avaient déjà passé des premiers entretiens. Ils ont été avertis du décalage du process à la rentrée de septembre.
Un exemple parmi tant d'autres des reports actuellement à l'œuvre : ce candidat qui avait rencontré un premier partner chez Kearney, et devait en voir un second rapidement. Sauf que ce deuxième rendez-vous n’a pas pu avoir lieu. Il n’a à présent aucune idée de quand ce rendez-vous aura lieu. Kearney confirme : le bureau parisien explique que pour certaines candidatures les entretiens ont été remis à avril.
Et ce qui vaut pour les embauches de juniors vaut pour les stages de césure. « J’ai eu le responsable RH qui suivait ma candidature. Il m’a informé que les entretiens sont arrêtés pour le moment tout simplement parce qu’ils ne sont plus réalisables », dit un autre étudiant à CentraleSupélec qui était bien embarqué pour rejoindre un MBB.
Dernier cas de figure au grade junior : les embauches qui venaient d’être signées et pour lesquelles une date de prise de fonction dans un futur proche avait été arrêtée. Chez McKinsey, L.E.K. Consulting ou Oliver Wyman, ces arrivées sont repoussées ou adaptées.
« McKinsey a adressé les dernières offres d’embauche lundi 9 mars, puis plus rien », témoigne un étudiant à l’Edhec. Même son de cloche d’une autre candidate qui venait de recevoir une offre de McKinsey pour une entrée en avril ou mai à un grade junior : le cabinet vient de lui demander de décaler son contrat à début novembre.
« L’intégration des consultants ayant déjà reçu une offre est maintenue, mais décalée dans le temps », confirme aussi Imane Thomas, la responsable des ressources humaines de L.E.K. Consulting.
D’autres cabinets défendent une approche au cas par cas sur les intégrations de nouveaux consultants : comme Oliver Wyman qui propose à certains collaborateurs de débuter à distance quand ils n’ont pas d’autres créneaux comme c’est le cas pour des stagiaires de Polytechnique actuellement.
Objectif : faire le dos rond en attendant d’y voir plus clair sur l’évolution de l’épidémie. Sauf exception dans quelques cabinets qui ont choisi de maintenir les recrutements à distance.
Entretiens de recrutement à distance
Un étudiant de l’ESSEC, qui a méthodiquement adressé sa candidature à quatorze cabinets, indique ainsi à Consultor que Bain & Company et Oliver Wyman maintiennent pour l’heure des entretiens par Skype. « Les projets se poursuivent et dans un secteur dont les taux de turnover sont de l’ordre de 15 %, nous ne pouvons pas nous permettre d’arrêter nos recrutements. En espérant que nous verrons les prémices d’une sortie de crise dans trois à quatre semaines », confirme Hanna Moukanas, le partner d’Oliver Wyman et patron du bureau de Paris.
Ce ne sont pas les seuls cabinets à faire de la sorte : L.E.K. Consulting ou EY-Parthenon sont sur la même ligne. « En trente-cinq ans de consulting, je n’ai jamais observé pareil phénomène, commence par lâcher Bruno Bousquié, managing partner d’EY-Parthenon à Paris. Mais le blocage business actuel sera limité dans le temps et les conséquences de la crise sanitaire vont être extrêmement significatives pour un grand nombre de secteurs. Dans lesquels, il y aura un avant et un après le coronavirus. Les cabinets de conseil en stratégie seront associés de près aux réflexions de sortie de crise. On est convaincu que nous devons préparer pour septembre des équipes de consultants en capacité de travailler à plein régime pour les énormes mouvements qui ne manqueront pas d’intervenir. »
Le cabinet ne réduit pour le moment pas la voilure des recrutements et les entretiens se poursuivent via Skype ou Teams.
Ce qui n’ira pas sans quelques nouveaux défis pour les candidats qui se préparent des semaines durant à des entretiens en présentiel.
« Sur la partie fit, j’anticipe qu’il va être beaucoup plus difficile de connecter avec les recruteurs. Les small talks d’avant et d’après entretien pour détendre l’atmosphère, il va falloir oublier », anticipe un étudiant de l’Essec qui doit passer un entretien à distance avec Oliver Wyman dans les prochains jours.
Ce n’est pas l’expérience vécue par un étudiant qui, lundi 16 mars, sortait de deux tours d’entretiens dans un cabinet de conseil en stratégie spécialiste des services financiers. Dans son cas, une partie du business case lui a été adressée par mail en cours d’entretien. Globalement, dit-il a posteriori, « c’était exactement pareil » [que des entretiens en présentiel].
En revanche, un autre entretien auquel il devait se rendre vendredi, cette fois-ci chez Courcelles, a, lui, été annulé. Sans qu’aucune date de revoyure n’ait pour le moment été organisée.
Une politique de gel que le cabinet confirme à Consultor : à ses yeux, les business cases à distance sont trop complexes et stressants pour les candidats. Et empêchent toute évaluation du fit entre le candidat et le cabinet. Il a donc préféré tout mettre en pause. En attendant d’y voir plus clair.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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commentaires (1)
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France
- 18/11/24
L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.
- 15/11/24
Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.
- 15/11/24
Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.
- 13/11/24
À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.