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Parité des partnerships : « Paroles et paroles et paroles »

17 %. Tel est le ratio en 2022 des femmes partners dans les cabinets de conseil en stratégie comptant plus de 10 associés. Figé, ou quasi, depuis 5 ans. Et seulement 6 points de plus en 12 ans. Qu’il est long le chemin de l’accès au partnership pour les consultantes.

Barbara Merle
03 Jan. 2023 à 18:52
Parité des partnerships : « Paroles et paroles et paroles »
© Adobe Stock/Moor Studio

Au-delà des grands engagements volontaristes des cabinets de conseil en stratégie sur la féminisation de leur gouvernance, les chiffres sont là, immuables, ou si peu.

Sur l’ensemble des 32 cabinets du périmètre de Consultor (de toutes tailles, de 2 à 81 partners) comptabilisant au total 501 associés, elles sont 79 femmes associées, soit moins de 16 %. Parmi eux, près de 38 % (12 cabinets) n’ont aucune partner. Dans la shortlist des 11 cabinets de plus de 10 associés, au total 394 associés parmi lesquels 68 femmes, le taux peine donc à dépasser les 17 % (tous ont cependant au moins nommé une femme partner).

Au regard de nos baromètres annuels (depuis 2011), les femmes ne font pas une entrée fracassante dans le partnership des cabinets du secteur : le taux peinait à dépasser les 11 % entre 2011 et 2017, et s’est enrayé autour des 16 % depuis 2017.

03 01 2022 Etude Parite Consultor

Du très bon au moins bon

Il y a cependant quatre contre-exemples, quatre cabinets qui comptent au moins un quart de femmes parmi leurs associés. Le premier d’entre eux, Simon-Kucher & Partners, atteint même début 2023 le taux symbolique du tiers de femmes partners, avec 6 femmes sur 18 associés. Une tendance exponentielle récente pour SKP : en 2015, le cabinet promouvait une première femme partner, Marie Verdier, puis une autre en 2019, Alix Nepveux, idem en 2020 avec Diane Cosset, et en 2022 avec Clara Soppo Priso ; elles sont deux en 2023, Laura du Repaire et Clémence Cahuzac. Trois autres cabinets, Kea & Partners, Bain & Company et PMP Strategy (de 21 % à 25 % en un an) ont aussi atteint cette année le cap emblématique du quart de femmes au sein de leur partnership. PMP devançant même le géant McKinsey, 5e du classement cette année, qui connait même un recul, passant de 23 % à 20 %. Ce MBB comptait 25 % de femmes dans son partnership en 2017 ? Que s’est-il donc passé ? Finie la politique volontariste ? En novembre dernier, les élections d’associés ont vu la promotion de pas moins de six hommes pour seulement une femme, Cindy Popp. En cause également, les mouvements : vingt arrivées dont quatre femmes, onze départs dont cinq femmes (lire l'article "Deux ans de chassé-croisé des partners à la loupe").

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Consultor publie son 7e baromètre de la parité dans les partnerships de cabinets de conseil en stratégie. Les chiffres continuent à témoigner de microvariations d’un cabinet à l’autre dans un paysage qui reste toujours ultramasculin. Certains appellent pourtant à la patience et assurent que le changement est en cours.

Fait marquant, les énormes disparités au sein de ces cabinets de plus de dix associés avec des taux échelonnés entre 7 % et 33 %. Force est de constater également qu’il n’existe pas forcément de lien de cause à effet de taille : aux deux extrêmes du baromètre 2022, du plus féminisé, Simon-Kucher & Partners, 18 partners, 33 % de femmes, à la lanterne rouge sur le sujet, Roland Berger, 27 associés, 7 % d’associées, en passant par L.E.K. Consulting, une femme parmi douze associés (8 %) et le BCG, en milieu de classement, 14 %. Le Boston Consulting Group, justement. Avec le plus gros vivier de consultants des cabinets en France (quelques 500), une centaine de recrutements annuels, 81 associés en 2022… le BCG ne compte que 11 femmes partners. Il fait même aujourd’hui moins bien qu’en 2019 (17 %) et n’en prend pas le chemin. Il est le seul des MBB à ne pas avoir franchi le rubicond de nommer une femme à la tête des bureaux français… Tout un symbole ! Symbolique également le recul de L.E.K. Consulting : 8 % cette année, 10 % en 2021, qui a été le premier cabinet à avoir nommé une femme associée et managing partner du bureau parisien, Clare Chatfield… en 1995. Une partner qui refusait alors d’aborder le sujet de cette promotion inédite, voulant ainsi se fondre dans la masse masculine…

Le mauvais élève de la classe consulting

Le cabinet Roland Berger, avec un taux stable de 7 %, reste ainsi le bon dernier avec deux seules associées au compteur : Claire Pernet, depuis douze ans dans le cabinet, promue l’été dernier et Magali Testard, senior partner, chez Roland Berger depuis 2019. Depuis trois ans, trois partners femmes l’ont quitté (Axelle Lemaire, Gaëlle de la Fosse et Anne Bioulac). Anne Bioulac, qui avait été nommée co-head de Roland Berger en 2017, a quitté le cabinet deux ans plus tard, laissant ainsi seul en scène le sulfureux – et omnipotent ? – Olivier de Panafieu. Un aveu d’impuissance partagé par la gouvernance du cabinet d’origine allemande. « On est en retard et on en a bien conscience. Nous avons une réelle volonté de changer les choses et menons un réel travail en interne. » Et c’est la récente promue Claire Pernet qui confirme à Consultor. « La prise de conscience sur l’importance de la diversité de nos effectifs est un enjeu clé pour le cabinet. Nous avons mené en interne un processus de transformation de l’organisation, d’une part en sanctuarisant l’intégration des enjeux de diversité dans nos processus de recrutement, d’autre part en travaillant sur la culture de l’entreprise afin de sensibiliser l’ensemble de nos collaborateurs sur l’inclusion et les biais inconscients. Nous avons également travaillé sur l’image du cabinet en externe, longtemps associé dans l’imaginaire collectif à des missions dans l’industrie ou le restructuring, des secteurs traditionnellement très masculins. »

03 01 2022 Parite evolution

Des cabinets donneurs de leçons

Il y a un gap entre le dire et le faire. Le cabinet lanterne rouge Roland Berger a tout récemment prêché la bonne parole en publiant en décembre la neuvième édition de l’étude du réseau Grandes Écoles au Féminin sur les difficultés d’accession des femmes au sein des comex. Une étude menée notamment par Claire Pernet qui ne manque pas ainsi de défier les gouvernances, et celle de son propre cabinet en premier lieu : « La mixité n’est pas qu’une contrainte réglementaire de plus, l’enjeu est économique, donc ce n’est pas seulement l’affaire des directions des ressources humaines : c’est aux directions générales et à l’ensemble du management de se l’approprier. »

Idem pour McKinsey (20 % de femmes dans son partnership français) avec son rapport international « Women in the workplace 2022 », et ses autrices (sept femmes sur un groupe de huit) de tancer : « Si les entreprises n’agissent pas, elles risquent de perdre non seulement leurs dirigeantes actuelles, mais aussi la prochaine génération de dirigeantes, car les jeunes femmes sont encore plus ambitieuses et accordent une plus grande importance au travail dans un lieu de travail équitable, solidaire et inclusif. »

Une fuite des associées ?

Il est aussi difficile pour certains cabinets de garder ses pépites femmes. C’est notamment, en ce moment, le cas d’Oliver Wyman qui connait même un recul (de 11 % à 9 %), un cabinet qui n’a pas souhaité commenter ces derniers chiffres. Deux partners femmes ont, en effet, quitté le cabinet en 2022 (Aude Schönbächler, a rejoint Bain après seulement un an, et Gwendoline Cazenave, pour Eurostar) et deux en 2021 (Martina Weimert, pour diriger l’EPI, et Anne Pruvot, pour la SNCF). Tout comme Oliver Wyman, les gros cabinets, comme les MBB ou Roland Berger, ont ainsi pu pâtir de la féminisation des comex des entreprises avec une fuite des cerveaux de leurs partners femmes vers le corporate.

Une autre associée d’Oliver Wyman devrait quitter le cabinet en ce début d’année. Un recul étonnant pour ce grand cabinet fort de 44 partners qui s’affiche pourtant ouvertement des plus volontaristes en termes d’inclusion et de diversité.

La loi, sinon rien

On ne peut donc pas dire que les femmes partners ont investi le champ du top management dans le champ du conseil en stratégie. La promotion de femmes à la tête de bureaux, Ada Di Marzo chez Bain dès 2019 ou Clarisse Magnin-Mallez chez McKinsey, n’a pas (encore ?) eu l’effet boule de neige escompté. « C’est complètement fou. J’entends souvent qu’on a du mal à faire monter les femmes, ce sont des excuses. Ce qui m’inquiète, c’est de voir que les mentalités ont du mal à évoluer. En cause, un problème de confiance envers les femmes qui auraient pourtant les capacités de ces fonctions. Lorsqu’on n’est pas dans le périmètre de la loi, on voit bien que ça n’avance pas », tonne Marie-Jo Zimmermann, ancienne députée autricede la loi Copé-Zimmermann de 2011 sur la féminisation des boards, interrogée par Consultor.

À titre de comparaison, en 2022, elles sont 26 % de femmes dans les comex des sociétés du SBF 120, un taux effectivement porté par la loi Rixain (votée en 2021 avec l’instauration d’une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les postes de direction des entreprises de plus de 1 000 salariés) qui d’ici 2026 vise les 30 % de femmes au sein des comex et codir, et à 40 % pour 2029. Sans cette marche forcée législative, la parité des partnerships du conseil en stratégie reste définitivement à la traîne.

Prime externe, prime interne

Côté stratégies sur les moyens de féminiser les partnerships, les cabinets divergent. Certains, comme chez SKP, privilégient avant tout la promotion interne, avec en ce début d’année de deux « babies » SKP, Laura du Repaire et Clémence Cahuzac, ayant jusqu’à présent passé toute leur carrière de consultante dans ce cabinet. Deux associées qui ont aussi accédé à ce grade en 9 ans et demi ; 10 ans étant la moyenne chez SKP (ce qui est inférieur à la moyenne de l’ensemble des cabinets, 11 ans). Un cabinet qui veut dorloter ses consultant(e)s. « Nous n’aimons pas les normes, mais nous menons en permanence une réflexion en amont et en aval des congés maternité par exemple sur les bons projets staffing. Toutes nos partners ont des enfants, nous organisons avec elles leurs temps de travail pour qu’elles puissent s’épanouir dans leur vie privée, comme professionnel. Notre crédo, c’est la confiance », appuie David Vidal, le managing partner du bureau de Paris. Alix Nepveux, la deuxième partner nommée il y a quatre ans chez SKP, confirme : « J’ai candidaté au moment où j’attendais mon premier enfant. Après l’arrivée de mon deuxième enfant, j’ai pu mettre en place un 80 % de temps. Ce qui rend possible cette accession, c’est du factuel, un recrutement paritaire, et de l’impalpable, une culture d’entreprise hyper bienveillante », souligne cette associée de SKP France. À l’autre côté de l’échiquier, un cabinet comme McKinsey qui féminise à coup de recrutements externes en faisant appel à des chasseurs de têtes

Pour EY-Parthenon, la féminisation du partnership en croissance de 4 points, passant de 8 à 12 % en un an, se fait plutôt à la faveur de ses mouvements d’associés : cinq arrivées, dont deux femmes, Aurélie Saunier et Sophie Barbé, alors qu’aucune associée n’a quitté le cabinet (sur les sept départs). Avec Julia Amsellem, associée transfuge d’OC&C en 2017, EY-Parthenon compte ainsi trois femmes parmi les 26 partners du cabinet. Idem chez Bain & Company, dirigé en France par une femme, Ada di Marzo (c’était une première en 2019), affiche aujourd’hui 11 associées sur un total de 42 partners, 26 %, en hausse de 3 % en un an. Une croissance avant tout due aux mouvements de partners depuis deux ans : quatre femmes associées sont arrivées/promues (Audrey Hadida, Bianca Leodari, Safia Limousin, Aude Schönbächler) et aucune partner n’a quitté le cabinet (sur les deux départs d’associés).

Le cabinet PMP Strategy, qui vient de passer de 3 à 4 femmes partners (25 %), adopte plutôt la stratégie d’un mix entre arrivées externes et montée en puissance des consultantes « maison » : d’un côté, Chrystelle Briantais, consultante PMP depuis 20 ans et Caroline Ponal, arrivée en 2009, de l’autre, Marie-Sophie Houis-Valletoux comme associée en 2017 et la promue 2023, Laure Lemaignen, arrivée en 2020, comme Directrice associée au Pôle Institutions financières (20 ans de Société Générale).

Autre cas de figure pour Kea, qui passe de 21 % en 2021 à 26 % en 2022. Cette significative progression d’associées s’explique cette année avant tout par l’acquisition de deux cabinets dédiés ESG, MySezame et Nuova Vista, et l’arrivée de cinq femmes dans la gouvernance du cabinet en stratégie société à associées (sur huit partners entrants).

Quota, discrimination positive, no way

Une chose est sûre. Comme sur les autres sujets diversité (LGBT+, culturel, handicap…), les cabinets réfutent les principes des quotas et de la discrimination positive. Aller vite, oui, mais pas au prix d’un grand n’importe quoi. Pour l’ensemble des cabinets, faire entrer au forceps des associées, donnerait un mauvais signe, celui d’un possible nivellement vers le bas de leurs partnerships. À bon entendeur (la loi Copé-Zimmermann sur la féminisation des boards de 2011), salut ! Une politique affichée par Vertone, et ses 13 % de femmes partners (un taux stable par rapport à 2021, +3 % par rapport à 2019) qui préfère laisser du temps au temps. « Il est vrai que des ruptures s’opèrent à certains grades, à partir de senior manager, et surtout de partner. Mais nous savons qu’il y a un enjeu important à renforcer cette population de femmes chez nos partners », reconnait Benoît Tesson, l’un des deux co-fondateurs de Vertone.

Même son de cloche chez Bain, où l’associée Sabine Atieh a en charge l’initiative Women at Bain. « Nous avons des enjeux et des objectifs d’augmenter ce taux, nous pouvons faire mieux, même si cette politique de féminisation date d’au moins trente ans, avec entre autres la création de Women at Bain. Les femmes ne sont pas recrutées et promues selon des quotas, mais c’est la méritocratie qui prime. C’est donc plutôt une question d’accompagnement dans le temps auprès des jeunes parents et des femmes notamment par le mentoring et le programme de sponsorship (dédié à la préparation du dossier de promotion partner, ndlr). Mais pour le faire bien, il est nécessaire de la faire progressivement. » Une politique de féminisation de la gouvernance, que la patronne de Bain France depuis 3 ans a appelée à accélérer, qui met effectivement du temps à se concrétiser. En 2019, avant son élection, le cabinet comptait 23 % de femmes partners, le même ratio qu’en 2021 ; et plus 3 % en 2022.

La mixité des partnerships, ce n’est pas pour demain

Alors qu’est-ce qui peut briser ce résistant plafond de verre ? Avant tout la féminisation massive des cabinets aux grades intermédiaires, des consultantes aux managers. « Nous comptons plus de femmes dans nos équipes de consultants jusqu’au grade de managers, elles représentent encore 50 % au niveau senior managers. Nous voulons lancer un process, pas encore totalement défini, qui vise à favoriser l’engagement de tous et toutes afin de favoriser la projection des consultants dans ce métier, et avant tout les femmes », projette Stéphane Martineau, le nouveau président de Vertone. Le cabinet PMP Strategy a décidé d’aller plus loin, plus vite. 25 % de femmes dans son partnership, un ratio en progression, mais pas pour autant satisfaisant pour l’associée Marie-Sophie Houis-Valletoux. « La question pour nous en 2023 est de proposer un programme de coaching spécifique pour stopper la déperdition au fur et à mesure des grades, et casser ce qui ne nous rend pas égaux. Et ce pour accompagner la demi-douzaine de femmes en position d’accéder au partnership. Nous avons deux enjeux, convaincre qu’un déséquilibre homme femme qui s’accentue sur le haut de la pyramide n’est pas une fatalité liée au choix de nos collaboratrices, et qu’il est possible de concilier job à responsabilité et vie de famille épanouie… sans culpabilité ! »  Raphaëlle de Soto, DRH de Bain, croit elle aussi beaucoup à l’identification et à l’impact des rôles modèles au féminin, et ce particulièrement au niveau partner. À un détail près. « Pour le faire bien, il est nécessaire de le faire progressivement. La vraie mixité, c’est une question d’accompagnement dans le temps », confirme-t-elle.

La clé selon l’ex-députée Marie-Jo Zimmermann ? Faire appliquer les lois qui existent tout en rendant publiques les pénalités. « Si le législateur fait son travail, en dix ans, on peut gérer le problème. Et une nouvelle génération de femmes entre 25 et 35 ans est arrivée », soutient-elle. L’effet boule de neige de l’exemplarité fera son (lent) chemin. Rendez-vous dans 10 ans donc !

Bain & Company Boston Consulting Group EY Parthenon Kéa L.E.K. Consulting McKinsey Oliver Wyman PMP Strategy Roland Berger Simon-Kucher Ada Di Marzo Alix Nepveux Aude Schönbächler Audrey Hadida Bianca Leodari Caroline Ponal Chrystelle Briantais Claire Pernet Brégain Clara Soppo Priso Clarisse Magnin-Mallez David Vidal Diane Cosset Jonathan Zelmanovitch Laure Lemaignen Lionel Chapelet Magali Testard Marie Verdier Marie-Sophie Houis-Valletoux Sabine Atieh Safia Limousin
Barbara Merle
03 Jan. 2023 à 18:52
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Ada Di Marzo Alix Nepveux Aude Schönbächler Audrey Hadida Bianca Leodari Caroline Ponal Chrystelle Briantais Claire Pernet Brégain Clara Soppo Priso Clarisse Magnin-Mallez David Vidal Diane Cosset Jonathan Zelmanovitch Laure Lemaignen Lionel Chapelet Magali Testard Marie Verdier Marie-Sophie Houis-Valletoux Sabine Atieh Safia Limousin
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