Ada Di Marzo, directrice générale de Bain à Paris : « Le fruit d’un travail de dix ans »
En janvier, Ada Di Marzo a été choisie pour succéder à Domenico Azzarello à la direction générale du bureau parisien de Bain & Company. Sa trentaine d'associés représente environ 5 % de l’activité mondiale de la firme.
Domenico Azzarello prend, lui, les fonctions de directeur de la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA), dont Paris est le troisième plus important bureau. Domenico Azzarello devient l’un des trois directeurs régionaux que compte la gouvernance globale de la firme. Interview croisée à l’occasion de ce passage de relais.
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Mettons les pieds dans le plat : Ada Di Marzo, vous êtes la première femme à prendre la tête en France d’une des marques américaines les plus renommées. Dans un secteur connu pour être peu paritaire, quel est le message que Bain souhaite faire passer ?
Ada Di Marzo (A. D. M.) : Ma cooptation est le fruit d’un track record et d’une décennie de travail chez Bain à Paris. C’est vrai, le conseil en stratégie est traditionnellement peu paritaire. Dans cet environnement, Bain a pourtant tendance à mieux faire que ses pairs. Au niveau managers et au-dessus, Bain compte 34 % de femmes.
Pourtant, les récits de femmes qui auraient pu poursuivre leur carrière dans le conseil en stratégie et y renoncent quand elles deviennent mères sont innombrables. Votre élection n’envoie-t-elle pas tout de même un signal ?
A. D. M. : Il ne faut pas individualiser. Le sujet ne concerne pas que les mères. Tous les consultants peuvent devenir parents. Le plus important pour pouvoir favoriser la progression de chacun est de faire en sorte que les parcours de consultant en stratégie offrent de la souplesse avec des phases différentes. Entre des périodes chez les clients, des projets internes, des voyages et des périodes au bureau… les leviers à actionner sont nombreux. Je suis la mère de deux enfants de 7 et 11 ans et j’ai pu bénéficier de ces aménagements pour mener ma vie personnelle et ma carrière de front.
Comment la personne élue managing partner est-elle choisie chez Bain ? Plusieurs candidats font-ils campagne ?
Domenico Azzarello (D. A.) : Il n' y a ni candidat ni campagne. Le partner en charge des ressources humaines au niveau mondial fait passer une série d’entretiens aux partners du bureau, pour identifier les sujets importants, le profil qui serait adapté pour y répondre et les candidats qui correspondraient au mieux. Le profil d’Ada est ressorti.
Pour combien de temps devient-on managing partner ?
D. A. : Normalement pour cinq à sept ans. Il y a eu des exceptions.
Pourquoi ne pas avoir poursuivi pour deux années supplémentaires votre mandat actuel que vous avez débuté en 2014 ?
D. A. : Dans mon cas, le poste de directeur régional EMEA m’a été proposé et c’est la raison pour laquelle le processus de cooptation d’une nouvelle direction générale à Paris a été lancé.
Combien y a-t-il de directions régionales dans la gouvernance de Bain et comment sont-elles attribuées ?
D. A. : Il y a trois régions chez Bain : Amériques, Asie-Pacifique et EMEA. Le managing partner global (Manny Maceda, NDLR) fait passer des entretiens à une centaine de partners pour les postes de direction régionale. La proposition m’a été faite. J’ai accepté.
À Paris, une Italienne pour succéder à un Italien : est-ce un hasard ou une véritable Squadra Azzurra chez Bain France ?
D. A. : Cela nous fait rire, mais c’est une pure coïncidence. Même s’il est vrai que nous sommes trois Italiens dans le partnership parisien (avec Paolo Bordogna, partner du pôle services financiers, NDLR).
Ada Di Marzo, quels seront vos principaux objectifs en tant que directrice générale ?
A. D. M. : Nous sortons d’une période de croissance à deux chiffres sur tous nos secteurs d’intervention. Notre capacité à réellement mettre en œuvre la transformation de nos clients est centrale. Ma mission première sera de poursuivre cette dynamique, et de consolider la position top of mind de Bain dans un marché en forte consolidation où seul un très petit nombre d’acteurs ont une réelle envergure internationale.
Mais le conseil en stratégie change et doit attirer des data scientists ou des designers. Comment voyez-vous ces évolutions et comment entendez-vous les aborder à la tête du bureau de Paris ?
D. A. : Sur les 80 à 90 recrutements que nous effectuons chaque année à Paris, la proportion des profils experts en data (souvent des data scientists ou des profils d’ingénieurs autodidactes, NDLR) est montée à 20 % ces dernières années. Elle va encore augmenter à 25 %.
A. D. M. : Nous allons intégrer de plus en plus ces compétences dans le rendu de nos missions et changer notre manière de travailler ensemble.
Concrètement, devenir directrice générale du bureau de Paris, que cela change-t-il ?
A. D. M. : Pour partie, rien du tout. Je vais continuer à suivre mes clients. Dans les faits, je vais me charger de piloter le plan de croissance de Bain à Paris pour les années qui viennent et mener la réflexion sur la manière avec laquelle les solutions que nous apportons à nos clients pourraient évoluer.
D. A. : S’y ajoute un volet très opérationnel : gérer un bureau de 300 personnes.
Domenico Azzarello, en 2015, vous expliquiez à Consultor que Bain à Paris c’était une trentaine de clients prédominants et cinq à six practices majeures. Cette photographie est-elle toujours d’actualité ?
D. A. : Elle l’est, quoique le nombre de clients est plutôt de l’ordre de la quarantaine aujourd’hui. Ce qui est surtout notable c'est le changement de la superficie des relations que nous entretenons avec eux. Nous souhaitons pouvoir accompagner nos clients dans des programmes de transformation de longue durée. De cette façon nous couvrons à date la moitié du CAC 40 avec des DG et des PDG qui recommandent Bain.
Est-ce là le bilan des années Azzarello pour Bain Paris ?
D. A. : Restructurer le portefeuille de clients a été l'une des premières décisions que j'ai prises. Pour la mettre en œuvre, nous avons été amenés à dire à certains clients que nous mettrions nos forces sur les sujets sur lesquels nous avons la plus grande valeur ajoutée. Ce ne fut pas une idée simple à faire passer dans un premier temps. Tout le monde en voit la pertinence aujourd’hui.
Une vie de voyages s’ouvre désormais à vous ?
D. A. : En effet. L’EMEA chez Bain, ce sont une vingtaine de bureaux répartis entre la France, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Moyen-Orient dont la tête de pont est Dubaï, puis l’Afrique avec l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya. Je vais me déplacer deux à trois jours par semaine entre ces différents bureaux pour échanger avec les équipes de consultants qui y travaillent et avec leurs clients.
En Afrique du Sud, vous héritez d’un dossier particulièrement épineux puisque Bain y a été mis publiquement en cause pour une mission conduite dans le pays. Comment allez-vous gérer ce sujet ?
D. A. : En coopérant avec les autorités, comme nous l’avons fait jusqu’à aujourd’hui.
Chapeauterez-vous des ouvertures ?
D. A. : Il y aura des ouvertures de nouveaux bureaux au Maghreb, en Afrique de l'Est et de l'Ouest.
Propos recueillis par Benjamin Polle pour Consultor.fr
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