Se faire financer un MBA dans le conseil : mode d’emploi
Se faire financer un master in business administration (MBA) dans le conseil en stratégie, c’est possible aussi en France quoique le sésame soit nettement moins prisé qu’aux États-Unis. Mais pas partout et certainement pas n’importe comment.
Le financement par un cabinet installé en France d'une formation de plusieurs dizaines de milliers d’euros, dans l’immense majorité des cas à l’Insead, implique sans exception l’engagement à rester ensuite plusieurs années dans ce cabinet, sous peine d'une demande de remboursement à défaut.
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En 2017, Consultor faisait le point sur l’appétence des consultants français en matière de MBA. Conclusion : une minorité de consultants (15 %) et de partners (28,5 %) sont, en France, titulaires d’un MBA, qu'ils ont préparé dans une grande majorité à l’Insead, et de loin, puis à Harvard ou Wharton.
MBA après une grande école : la carte du réseau
Pour un profil de consultant en stratégie français, l’intérêt d’opter pour ce cursus en complément d’une formation souvent très sélective et coûteuse se situe dans le réseau qu'elle génère comme le répète un ancien consultant en stratégie chez Bain and Company à Paris qui suit les cours du MBA de l’Insead à Singapour.
« Si je contacte 100 diplômés, j’ai 70 réponses. Trente m’invitent à boire un café et dix m’aident vraiment. C’est extrêmement puissant, quasi autant que le réseau des très grandes écoles françaises. Mais c’est plus diversifié, plus international, avec des séniors, des jeunes », dit-il.
Le MBA, à l’entrée dans le conseil en stratégie, peut être vu comme l’une des carottes pour sauter à pieds joints dans le secteur. « Au bout de cinq ans, on peut faire un MBA », peut-on parfois entendre dans les forums où étudiants et cabinets de conseil se présentent les uns aux autres sur les campus des grandes écoles de commerce et d’ingénieur.
La réalité, côté financement, surtout en France, est nettement moins open bar qu’un certain préjugé pourrait le laisser penser. Ce que confirme à Consultor l’Insead, aux premières loges des tendances de formation au MBA dans le conseil en stratégie.
Premier enseignement : peu de consultants émanent de bureaux français. Et, ajoute Virginie Fougea, directrice des admissions et de l’aide financière pour les programmes diplômants de l’Insead, ils ne coupent pas à la diversité de sources de financement auxquelles les étudiants ont recours pour faire face aux vertigineux frais de scolarité.
Bourses, prêts... les consultants n'échappent pas au panachage des financements du MBA
« Nos étudiants, détaille Virginie Fougea, utilisent une combinaison de financement : un prêt bancaire et une bourse ou bien une épargne personnelle et une aide de la part de leur pays d’origine par exemple. 15 % des étudiants MBA diplômés en 2019 ont reçu un financement de leur entreprise. 30 % ont reçu une bourse et 24 % des étudiants ont choisi d’emprunter auprès de Prodigy Finance (une plateforme de financement international des frais de scolarité des étudiants de troisième cycle, NDLR). Le reste de nos étudiants a travaillé avec des banques basées dans leur pays d’origine ou des banques françaises. »
Car, dans le conseil en stratégie en France, le MBA pris en charge tous frais compris est réservé aux meilleurs des meilleurs. C’est le cas, par exemple, de François, le prénom a été changé à sa demande, qui a suivi le MBA de l’Insead en étant financé à 100 % par Bain & Company.
Dans le cabinet, le consultant a la possibilité au bout de trois ans d’opter pour un MBA, auquel il peut postuler sans être sûr d'être choisi – le cabinet n’a pas souhaité préciser le pourcentage d’une promotion qui y accède. Les consultants retenus suivent un MBA puis réintègrent le cabinet. Dans ce cas, Bain paie la note.
Des possibilités de financement au bout de trois ans et sur sélection
« En général, poursuit François, les grands cabinets financent en totalité les frais du MBA à leurs consultants prometteurs qui en font la demande après trois ans d’ancienneté. »
NDLR : Chez Bain & Company, les frais de scolarité sont financés à 100% mais Il n'y a pas de compensation ("living expense stipend ") versée aux consultants durant leur MBA. En revanche, pour tout consultant du bureau de Paris à qui Bain & Company a accordé le financement d'un MBA aux USA, un billet aller-retour est pris en charge une fois par an.
Autre possibilité : les consultants qui souhaitent se former en MBA paient de leur poche les coûts de formation dont ils sont remboursés au fur et à mesure à condition de rester pendant une durée de dédit-formation minimale (un à trois ans en règle générale).
Et pour cause tant l'investissement pour les cabinets est important. « Le MBA constitue un investissement important pour notre cabinet et pour les consultants, dit Éric Bach, partner chez Oliver Wyman en charge du recrutement et des relations avec l’Insead. Cela peut représenter jusqu’à 120 000 euros selon les MBA et les consultants ajoutent une légère participation. Ces derniers s’engagent ensuite à rester trois ans chez nous. Sinon, ils doivent rembourser au prorata du temps passé dans notre structure. Nous répondons au bureau de Paris à la demande de quelques consultants par an, mais l’obtention d’un MBA n’a rien d’obligatoire dans le déroulement de carrière d’une population déjà diplômée des meilleures écoles françaises que sont Polytechnique, HEC, Centrale Paris, ESCP, les Ponts ou l’Essec. En fait, la plupart n’en ressentent pas le besoin. »
Se faire financer un MBA par un cabinet de conseil en stratégie a posteriori
Dernière possibilité de financement, le secteur apprécie les candidats plus matures qu’il recrute après un MBA financé par un tiers. C’est ce qui est arrivé à un autre jeune consultant chez Bain Paris qui lui aussi a accepté de nous répondre anonymement.
« J’ai suivi un MBA à l’Insead financé pour moitié sur fonds propres complétés par un prêt bancaire. J’ai conclu par un stage dans un des Big Three. J’ai ensuite été embauché chez Bain Paris. »
Ce cas est loin d’être isolé comme le confirme Benoît Banchereau, directeur marketing et admission du MBA de HEC. « Les cabinets en stratégie sont, en effet, intéressés à recruter nos MBA une fois le diplôme acquis et financé », explique-t-il.
Une aubaine pour les étudiants en MBA, car certains cabinets proposent le refinancement du coût des diplômes à l’embauche, en sus de packages de rémunération déjà extrêmement avantageux. Sans que l’on sache combien de personnes ont effectivement bénéficié de cette possibilité sur le marché français.
En tout cas, le filon de recrutement dans le conseil en stratégie à la sortie du MBA de HEC se porte bien : 70 des 275 étudiants du MBA de HEC 2019, qui dans leur immense majorité ne venaient pas du conseil en management et stratégie, rejoignent le conseil après la formation.
Gwenole Guiomard pour Consultor.fr
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