Classement consultor 2023 Conseil Aerospace-Défense
Dans la foulée du dernier salon du Bourget, Consultor publie son classement 2023 des cabinets de conseil en stratégie dans le domaine de l’aérospatial et de la défense. 198 cadres chez Safran, Thales, Airbus, Naval Group ou MBDA notamment ont été sondés sur leur niveau de connaissance de 13 cabinets de conseil en stratégie et l’image qu’ils en ont.
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Avec la reprise du tourisme post-covid et les effets de la guerre en Ukraine, la demande dans le secteur de l’aérospatiale et de la défense est forte. Avec elle, le recours aux consultants en stratégie est soutenu.
En témoignent le renouvellement d’un marché-cadre au ministère de la Défense ou quand, récemment, Pierre Éric Pommellet, le CEO de Naval Group, se tournait vers Oliver Wyman.
Omniprésence McKinsey-BCG
Ce sont ces acteurs que la junior HEC a sondés. Deux grandes questions ont été posées à des membres de directions générales, de la stratégie, des opérations : leur niveau de connaissance de 13 cabinets de conseil en stratégie avec une présence avérée dans le secteur ; puis, l’image qu’ils ont de ces cabinets.
Sans surprise, ces cadres, qui souvent ont plus de 10 ans d’expérience chez Safran, Thales, Airbus, Naval Group ou MBDA notamment, placent McKinsey et le Boston Consulting Group loin devant en termes de notoriété.
Groupe par groupe, leur omniprésence est d’autant plus évidente. Chez Airbus (Airbus Helicopters, Airbus Defence and Space, Airbus Protect), ils sont 19 répondants à savoir que plusieurs missions de McKinsey ont eu lieu ; 17 pour le BCG, 11 pour Roland Berger, 4 pour Oliver Wyman. Ils ne sont plus que 3 pour EY-Parthenon, Cylad, Bain ou Archery Consulting. Chez Thales, même omniprésence du duo de tête : ils sont 15 à témoigner de plusieurs missions de McKinsey et 12 pour le BCG.
Prix, arrogance, faible adaptabilité : les clients mécontents
Qui dit omniprésence ne dit pas béatitude. En effet, nombre de répondants ne mâchent pas leurs mots quant à ce qu’ils pensent des missions de ces deux poids lourds. « Très décevant compte tenu du prix » tacle ainsi un cadre d’Airbus qui a eu connaissance de plusieurs missions de McKinsey dans le groupe. Un sujet de prix qui irrite de même un membre de la direction générale de MBDA qui, dans notre sondage, ajoute le commentaire suivant quant à la mission de McKinsey dont il a connaissance : « OK, mais bien trop cher. » Chez Thales, enfin, un polytechnicien juge l’impact du cabinet « utile », mais regrette des « process trop standards » et « pas assez de travail d’adaptation au contexte ».
Bien sûr, tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Ainsi, McKinsey est aussi perçu comme « brillant et très réactif » par un autre cadre chez Thales.
A contrario, le BCG est « trop axé sur les méthodo IT, pas assez métier, arrogant », cingle un cadre d’Airbus Helicopters qui dit avoir été en lien avec le cabinet sur plusieurs missions dont il juge les impacts décevants.
L’omniprésence de McKinsey et du BCG – qui n’ont pas souhaité répondre à nos questions – ne surprend guère sur le marché. « Les plus gros sont devant. C’est représentatif en termes de chiffre d’affaires, et ça paraît tout à fait logique », constate Sébastien Chaussoy, partner, président et co-fondateur de Cylad Consulting.
La surprise Roland Berger
En revanche, juste après le binôme McKinsey/BCG, la notoriété de Roland Berger peut, elle, davantage surprendre, surtout que plusieurs partners actifs sur le sujet ont plié bagage – notamment Thierry Duvette, co-responsable de la practice au niveau mondial parti pour Oliver Wyman. Même si, consubstantiellement, l’ADN européen de Roland Berger et sa forte présence franco-allemande lui donnent des atomes crochus avec Airbus.
Oswald Perrin, partner référent sur le sujet chez Roland Berger, arrivé de Onepoint en mars 2022, défend « une équipe Aerospace & Defense composée de consultants présents depuis de nombreuses années, ainsi que sur des renforts plus récents qui viennent appuyer notre expertise sur ces sujets », indique-t-il à Consultor.
40 partners pour Oliver Wyman sur l’aéronautique
Derrière, la reconnaissance d’Oliver Wyman dans le secteur n’a rien d’étonnant : quelque quarante partners sont actifs sur le sujet dans le monde, avec notamment, à Paris, Jérôme Bouchard et, donc, Thierry Duvette (voir plus haut) arrivé de Roland Berger. Fin 2022, le cabinet avait même opéré l’acquisition d’une boutique spécialiste de l’aérospatiale et de la défense.
Plus bas en matière de notoriété, l’apparition d’EY-Parthenon au 6e rang ne surprend pas les deux partners, Vincent Czeszynski et Stephan Bindner, en charge à Paris des 10 managers actifs sur le pôle Advanced Manufacturing Mobilities. C’est dans ce pôle qu’est traité l’aérospatiale et la défense, au côté des transports, de la mobilité, de la construction et des matériaux.
« Nous figurons très fréquemment dans cet étiage-là, dans un top 5, dans les mêmes eaux que Bain ou Oliver Wyman, mais soit aux rangs 3-4, soit aux rangs 5-6. Dans notre cas, ce qui va jouer est la part des clients concernés qui seront servis en “channel 1” (alias C1, clients couverts par le commissariat aux comptes qui ne peut être cumulée avec d’autres prestations de services, ndlr). Dans le cas présent, Safran fait partie des comptes pour lesquels on ne peut pas travailler en conseil », explicite Vincent Czeszynski.
En effet, Safran est l’entreprise la plus représentée du panel avec 68 répondants (sur un total de 198, 58 côté Safran, 10 côté Safran Aircraft Engines).
Dur dur de se faire un nom
Une composition du panel que plusieurs cabinets mettent en avant pour expliquer leur score de notoriété. « Nous travaillons très peu pour Safran ou Thales », indique par exemple Sébastien Chaussoy, chez Cylad – qui n’apparaît qu’en seconde partie de tableau quand bien même « 50 à 60 % du temps des 140 consultants du cabinet est consacré à l’aérospatiale et la défense, pour un éventail large de clients, même si certains groupes comme Safran ou Thales restent limités ». Quand Maxime Bremond, partner Avencore, précise que le cabinet intervient « pour le compte des directions générales, mais assez rarement sur des sujets de stratégie de croissance, ce qui peut avoir un impact sur notre notoriété ».
Pour ces cabinets, ces résultats sont une invitation à se repositionner ou à mieux se faire connaître. « Le classement montre bien que, vis-à-vis de certains confrères, nous avons des points à gagner pour nous faire mieux connaître dans le monde de l’aérospace défense », réagit Fabrice Vigier, le président d’Avencore. « Clairement, nous devons augmenter notre empreinte client, ce qui est facile à dire, mais difficile à faire alors que nous sommes déjà fort occupés avec notre niveau d’activité actuel », réagit, quant à lui, Sébastien Chaussoy chez Cylad.
D’autres considèrent leur niveau de notoriété actuel comme légitime à ce stade. « Chez Simon-Kucher, nous couvrons volontairement l’ensemble des secteurs de l’économie. Depuis une dizaine d’années, nous avons mené plusieurs projets dans l’aéronautique, mais nous avons encore un potentiel de développement considérable dans ce secteur », réagit ainsi Sébastien Verrot, partner aéro chez Simon-Kucher, arrivé de Cylad en 2016.
Le bureau parisien de Simon-Kucher réalise moins de 5 % de son activité dans le secteur. Il intervient auprès des grands donneurs d’ordres, Airbus ou Boeing par exemple, ou des fournisseurs de rang 1. Il peut typiquement accompagner ces acteurs sur des programmes de hausse de prix ou la transformation vers de nouveaux business models.
Comme lorsque des acteurs de la filière aéronautique souhaitent monétiser les données associées aux équipements qu’ils commercialisent, par exemple via des capteurs de température ou de performance. Ou quand des acteurs tels que Safran ou Rolls-Royce choisissent de ne plus vendre des moteurs, mais des heures d’utilisation de moteur avec un package de services associés, entretien, réparation, suivi de performance, etc.
Le BCG très bien vu
Seconde question posée aux dirigeants de l’aéronautique et de la défense : l’image qu’ils ont de ces mêmes 13 cabinets. Résultat, un retournement notable s’opère en tête de classement : le BCG bénéficie d’une image beaucoup plus positive que son concurrent McKinsey.
Un partner, qui n’a pas souhaité être cité, dit avoir eu en effet davantage de retours plus négatifs de la part de clients quant à McKinsey que pour le BCG, sans qu’il s’en explique les raisons. « L’expertise aéro de McKinsey est surtout en Allemagne, alors que l’expertise aéro du BCG est davantage en France, peut-être cela a-t-il un impact ? » s’interroge cette source.
Le BCG s’était du moins acquis une petite notoriété en recrutant l’ancien chef d’État-major des Armées – quoique ce dernier a toujours défendu n’avoir rien fait en lien avec la défense ou l’armement dans ce cadre. Par ailleurs, le cabinet jouit de l’aura d’Agnès Audier. L’ingénieure, ancienne haute fonctionnaire, a été 11 ans durant partner du cabinet et en est encore aujourd’hui senior advisor. Elle siège, parmi moult responsabilités, au conseil général de l’armement. Ceci peut-il expliquer cela ? Dur à dire, mais une partie de la bonne image du BCG dans l’esprit des décideurs sondés réside peut-être aussi là.
Une bonne image qui ressort également des commentaires laissés par certains des répondants. « Très utile, efficaces et sympathiques », dit ainsi du BCG un cadre à la direction d’Airbus depuis plus de 10 ans. « Très bon suivi de projet du début à la fin, je redemanderai le même consultant, très compétent », se réjouit également un autre ingénieur chez Airbus.
Tous n’ont pas autant de faveurs. Un cadre chez Airbus Helicopters dit de Bain, avec qui il indique avoir collaboré, qu’il est « proche des services de renseignement américains, bien informé, très cher ». Un même dirigeant, décidément très en verve, voit chez Roland Berger « une approche allemande, systématique, manquant un peu d’innovation ». Roland Berger qui se fait également sévèrement étriller chez Airbus : « Process pas du tout adapté, échec total de la mission », écrit un cadre au sujet d’une mission dont il a eu connaissance.
« Certains clients nous ont confié 50 projets ces 10 dernières années »
Plus bas dans le classement image, certaines places peuvent surprendre. C’est le cas d’Avencore pour qui le secteur aerospace/défense représente un quart du chiffre d’affaires. Si le cabinet a d’abord été mobilisé sur des sujets de performance-coût des produits, il est monté en puissance sur des sujets de transformation stratégique ou de retournement de grands programmes industriels.
D’où la surprise de Fabrice Vigier, le président du cabinet, quant au faible score d’image obtenu par le cabinet : « Parce qu’il ne correspond ni aux retours que nous font nos clients ni au taux de rétention que nous avons avec certains dans ce secteur, et ce depuis la création d’Avencore. Nos clients sont unanimes sur la qualité du travail que nous réalisons et pour certains nous ont confié 40 à 50 projets ces 10 dernières années. »
Un travail dans le temps long qui est l’une des caractéristiques notables des missions de conseil dans l’aéronautique ou la défense, qui en compte plusieurs autres. Comme la complexité des sujets auxquels sont tenus de s’adapter les consultants qui y interviennent : « Un moteur d’avion, c’est plus complexe qu’un fer à repasser », dit avec humour un partner qui a requis l’anonymat.
« La stratégie d’un groupe qui se projette à 10 ans, ce n’est pas comme celle d’un groupe qui est impacté à longueur d’année par les marchés et la conjoncture », note également Stephan Bindner, patron du bureau de Paris d’EY-Parthenon et co-référent du pôle Advanced Manufacturing Mobilities.
Autre particularité, la confidentialité, qui peut marquer certaines missions, et les enjeux étatiques et/ou de souveraineté nationale que ces missions peuvent revêtir. « Sur certains sujets et chez certains clients, vous ne faites pas travailler n’importe qui. Nous proposons des profils et ils ne sont autorisés à travailler qu’après qu’un clearing a été fait par les clients », détaille anonymement un partner.
Dernière particularité, la plus évidente, les sujets dont il est question. Certains sont structurels comme la décarbonation ou la consolidation de la filière. D’autres sont plus conjoncturels comme la résilience des chaînes d’approvisionnement dans la défense, très sollicitées avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Un sujet de supply chain qui vaut aussi pour l’aéro, où la reprise du trafic mondial a aussi relancé les commandes d’avion. « Des infléchissements ont dû être marqués dans les objectifs de production du fait de la pression que la reprise des cadences a mise sur certains fournisseurs », analyse Sébastien Chaussoy. Comme au dernier salon du Bourget où la compagnie indienne IndiGo a passé la commande record de 500 A320 à Airbus. Comme dit Sébastien Chaussoy : « Ce n’est pas pour tout de suite, mais il va falloir les sortir. »
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